Armes-démons et JdR : Stormbringer et Bloodlust

Stormbringer et Bloodlust, je les ai peu pratiqués, moitié faute de temps, consacré à d’autres jeux de rôle, moitié parce qu’il aurait fallu le faire avec les bonnes personnes et c’était pas le cas.
Les deux ont la particularité de se dérouler dans des univers ô combien violents. Donc si personne ne canalise les joueurs, les persos, leur création et leur progression, les parties tournent vite à la pure meule décérébrée à faire passer n’importe quel scénar donjonnesque de D&D pour intello. Le découpage de gens en rondelles par une bande de grosbills n’étant pas ma tasse de thé, j’ai vite lâché l’affaire.
Il n’en reste pas moins qu’il s’agit de deux très bons jeux de rôle, pour peu que, comme le TNT, on les manie avec beaucoup de précautions.

Stormbringer jeu de rôle Ken St. Andre Steve Perrin Oriflam Chaosium

Stormbringer
Ken St. Andre & Steve Perrin

Chaosium / Oriflam

Stormbringer se base sur le grand œuvre de Michael Moorcock, à savoir le cycle d’Elric. Si l’idée paraît facile sur le papier, adapter cet univers flamboyant est une gageure. Chaosium s’en est bien sorti, ce qui est la principale qualité du jeu… et son principal défaut aussi.
Elric croise au cours de ses aventures des forces très puissantes : élémentaires, démons, mages, jusqu’à Arioch, ni plus ni moins qu’un dieu du Chaos. Elric lui-même est surpuissant : si au repos il tient à peine debout sans ses drogues pour le soutenir, quand il est vénère, il ne rigole pas, maîtrisant aussi bien la sorcellerie que les armes, avec en prime une redoutable arme-démon entre les pognes.
Quand on rend ça tel quel en jeu, on se retrouve avec un groupe de persos constitués de demi-dieux bourrins qui écrasent tout sur leur passage. Si on suit les règles à la lettre, c’est ce qui va arriver, voire pire : des persos issus de pays et classes sociales hétéroclites au possible, sans rien qui justifie l’existence d’un groupe aussi disparate dans sa composition comme dans son échelle de puissance tout ce qu’il y a de déséquilibrée (un guerrier-sorcier melnibonéen peut torcher n’importe quelle aventure à lui seul pendant que les autres joueurs font de la figuration).
À l’inverse, si on interdit un certain nombre de choses pour éviter les délires, on perd une bonne part de ce qui fait l’univers de Stormbringer (les Melnibonéens, la magie dévastatrice, les armes possédées…). Enfin, sans le perdre, limiter ces éléments au background et aux adversaires en coupant leur accès aux joueurs, qui vont se retrouver à incarner des aventuriers lambda, on aboutit à un jeu qui perd beaucoup de son intérêt et devient un simple AD&D dans l’univers des Jeunes Royaumes.
La mayonnaise ne peut prendre qu’en adaptant le système pour essayer de trouver un juste milieu, ce qui ne fonctionne qu’avec un maître de jeu malin et des joueurs coopératifs rêvant d’autre chose qu’incarner des rouleaux-compresseurs tout-puissants.
Sinon le système de jeu est dans l’ensemble simple et accessible et si le background fourni est un peu léger, il a le mérite de bien rendre l’ambiance de l’univers et de pouvoir être complété en lisant Moorcock.
Bon jeu pour peu qu’on l’aborde avec intelligence, afin de vivre des aventures et pas juste de la poutre.

Bloodlust Croc Asmodée Siroz

Bloodlust
Croc

Siroz / Asmodée

Bloodlust a cartonné en son temps. Il était présenté comme original. Ah bon ? Sans blague, les armes-dieux, c’est repompé de Stormbringer et les peuples du continent de Tanaephis, inspirés par l’Histoire (les Piorads des Vikings, les Thunks des nomades des steppes, etc.), on trouve déjà l’idée chez Howard dans Conan. Jusque dans les détails, comme les Batranobans et leur épice aux propriétés surnaturelles qui n’ont rien à envier aux Fremen dans Dune, des savants fous qui ne dépareilleraient pas parmi les Granbretons d’Hawkmoon ou encore des Space Marines (eh oui !), dont on ne sait pas trop s’ils sortent d’Aliens ou de Warhammer 40,000. Rien dans l’univers qui n’ait déjà été vu et revu ailleurs.
Par contre, ici, on incarne les armes, et ça pour le coup, c’est novateur. C’est bien le seul élément à l’être.
Bien sûr, vu le sujet, le jeu ne peut fonctionner qu’avec des joueurs qui n’ont pas envie de passer leur temps à castagner non-stop, aussi paradoxal que l’idée puisse sembler dans un univers aussi violent, où les armes magiques possèdent une telle importance. Bah oui, parce que si t’es là juste pour la tatane, Bloodlust se contente de devenir un beat them all simpliste sans le plus petit pet d’intérêt. Il y a quand même moyen de faire mieux avec des épées magiques, cf. Michael Moorcock avec le cycle d’Elric et Michel Robert avec sa série de romans L’Ange du Chaos. Encore faut-il tomber avec des joueurs qui ont envie de rôle plus que de baston, pour creuser la relation entre l’arme et son porteur, voire ses porteurs, puisqu’ils peuvent se succéder (et c’est la grosse plus-value de Bloodlust d’offrir cette possibilité : une lignée de propriétaires, qui permet de bâtir un historique à l’arme, et même une légende autour d’elle).
J’ai eu le malheur d’atterrir dans une partie à l’ambiance on ne peut plus beauf et mon expérience n’aura pas été plus loin qu’un scénar de test. M’enfin, ça n’empêche que Bloodlust, sous ses airs ultraviolents, est riche d’opportunités de jeu beaucoup plus fin qu’il n’y paraît.

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