Avant toute chose, rappelons que l’abus d’alcool… blablabla… la santé… modération… Hop, c’est torché, si l’on veut bien m’excuser ce jeu de mot facile. Et maintenant, le Beaujolais au Japon !
Au même titre qu’en France, le beaujolpif est une institution au Japon, où l’infâme piquette est attendue avec impatience. Oui, madame. Pourquoi ? Parce que le pif est français, le prestige national suffit à créer l’événement. Si vous avez un stock de produits made in France impossible à écouler, envoyez-le au Japon, il ne faudra pas deux semaines pour vous en débarrasser.
Ça me rappelle un voyage à Prague dans ma jeunesse. Je n’avais pas déssoûlé de la semaine pour de multiples raisons. Champagne local à un prix défiant toute concurrence grâce au pouvoir d’achat français six fois supérieur à celui des Tchèques… bibine dans le même ordre de prix… spécialités locales à tester dont le fameux Slivovice… le café de l’hôtel si immonde qu’il fallait se rabattre sur les irish coffees au petit déj’, promesse d’une matinée brumeuse… Là-bas un bête pastis coûtait les yeux de la tête et le Ricard se vendait comme un produit de luxe en boutique spécialisée, coincé entre les foulards Hermès et les flacons de Chanel. Parce que français.
Bref. Faut reconnaître que la gnôle participe pour beaucoup de notre gloire internationale.
Les Japonais raffolent du vin français, pas seulement le Beaujolais, même les bons vins aussi. Mais comme ils n’y connaissent que dalle, la pire des piquettes passe pour un grand cru et s’y boit comme du petit lait (aigre, certes). Pas besoin de faire péter les grands millésimes, de la Villageoise marche très bien. Une fois présenté dans une chouette carafe et agrémenté d’un baratin sur le mariage avec la technique champenoise pour expliquer le picotement sur la langue, le tour sera joué.
Dans le cas du Beaujo, les chiffres parlent d’eux-mêmes : à peu près la moitié des exportations de Beaujolais inonde l’archipel nippon, soit un quart de la production totale. Dans les 5 millions de bouteilles, de quoi organiser une biture phénoménale !
Même si, depuis une paire d’années, les USA ravi au Japon la première place des buveurs de Beaujolais, ce picrate reste une valeur sûre. Pourquoi un tel engouement ?
- Comme énoncé plus haut, le beaujolais est français. Dès qu’il est question de s’enfourner un truc dans la bouche (à boire, à manger, ma bite…), les Japonais ne jurent que par le génie gastronomique et œnologique français.
- Avec le décalage horaire, le Japon est le premier pays au monde à pouvoir déguster le breuvage. C’est bête, mais ça joue.
- Beaucoup de Japonaises, qui représentent une grosse part de marché, pensent que le vin est bon pour la peau.
- T’as déjà essayé de faire pousser des vignes au Japon ?… Le relief et le climat sont déjà moyen favorables à une agriculture céréalière standard, alors des vignes… Il existe quand même une viticulture japonaise (Yamanashi et Ōsaka), qui couvre environ 30000 ha, soit 20 à 25 fois moins que son homologue française. Moralité : faut se fournir ailleurs et le produit gagne en cachet exotique par le biais de l’importation.
Le Japon ne serait pas le Japon sans ce traitement si particulier qu’on ne trouve nulle part ailleurs.
On citera par exemple les mangas sur le vin. Oui, ça existe ! Par exemple, Les Gouttes de Dieu (神の雫, Kami no Shizuku), qui compte 44 volumes publiés entre 2004 et 2014.
Dans un autre style qui se passe de commentaires :
Enfin, l’image traditionnelle qui ressort tous les ans, celle du bain de pinard.
En réalité, le bassin est rempli à 99,99% de flotte. Si c’était du vin, les émanations suffiraient à enivrer un troupeau d’éléphants. La couleur vient d’un colorant et pas plus de quelques bouteilles sont déversées sur la tête des “communiants” (qui picolent comme des trous, soit dit en passant). Un des rares exemples de bains publics qui soit mixte et habillé (et bien débile).