Si tu tapes un peu vite le nom du film en ripant sur ton clavier, juste en dessous du H, tu tombes sur la lettre B. Et je peux te dire que Bouse of the Dead n’a rien d’un titre usurpé. Nanar intergalactique en vue !
ACTE I – Bande-annonce
Si jeu vidéo = pognon, alors adaptation ciné doit être égale à pognon. Cette équation tourne en boucle dans la tête des producteurs, qui s’obstinent à polluer les écrans avec de gros étrons poisseux. Alone in the dark, Doom, Resident Evil, Mario, Max Payne, Street Fighter, Mortal Kombat, Hitman, Tekken… On ne peut pas dire que les bonnes adaptations de jeu vidéo soient légion. Un peu comme le soleil à Lille, elles relèvent du mythe : certains y croient, personne n’en a jamais vu la couleur.
À chaque nouvelle adaptation, les gamers sont déçus de ne pas retrouver “leur” jeu, les cinéphiles reprochent l’indigence des scénarios. Pas de bol (avec un seul L). House of the Daube réconcilie à sa façon le monde du jeu vidéo et celui du cinéma. Tous les spectateurs, pour peu qu’ils soient dotés d’un QI supérieur à celui d’un zombie, tombent d’accord pour dire que tout, ABSOLUMENT TOUT, y est navrant au plus haut degré. Cette perle nanarde fédère l’humanité et, je n’en doute pas, permettra un jour une union pacifique universelle de ses spectateurs traumatisés (ou une chasse à l’homme d’échelle planétaire qui s’achèvera par le lynchage d’Uwe Boll).
Le jeu vidéo éponyme était plutôt sympa, un grand moment de défoulement entre potes, puisqu’on pouvait jouer à deux et canarder du zombi à n’en plus finir avec des pétoires en plastique. Basique, certes, mais rigolo, on n’en demandait pas davantage.
J’ignore quel débile a eu l’idée de le porter sur grand écran. House of the Dead était sans doute le jeu d’arcade le moins adaptable : ni scénario ni profondeur, rien que du pan pan. Toujours est-il que quelqu’un en a rêvé, Uwe l’a fait. Contrefait plutôt. Il a si bien réussi sa foirade qu’il passera direct de l’anonymat à une contre-célébrité vindicative. En 2006, trois ans après sa sortie, House of the nases entrera au palmarès des pires films de l’histoire du cinéma à la 19e place sur imdb (8e place en 2021) et propulsera son auteur au rang de nouvel Ed Wood. Un sacré coup de Boll !
House of the Dead, LE film qui a fait découvrir Uwe Boll, roi du je-m’en-foutisme assumé et de l’incompétence derrière la caméra, le réalisateur au talent si bien caché qu’on ne l’a jamais trouvé.
Dans le monde joyeux du nanar, Uwe Boll occupe une place à part. La médiocre qualité de ses œuvres ne vient pas seulement des éléments habituels (scénar, acteurs et décors moisis par manque de moyens). Son credo est un cynisme affiché qui tourne au réel mépris du cinéma. Du foutage de gueule pur et simple. Il ne trouve son plaisir qu’en amont (trouver de la tune) et en aval (jouer les artistes géniaux, incompris et malaimés). Entre les deux s’écoule un fleuve fangeux qui ferait passer n’importe quelle sortie d’égout pour une fontaine de nectar.
ACTE II – Le film
Le film démarre sur une longue introduction, dont je vous livre ici quelques morceaux moisis… choisis, pardon, j’ai encore ripé sur le clavier.
S’ensuit un générique à coups de techno boum boum décérébrée et d’images de synthèse Amiga.
On découvre les personnages commentés en voix off par un survivant amateur de phrases clichés (“Aujourd’hui, il ne reste que l’horreur”, “Si seulement ils avaient raté le bateau, ils seraient encore en vie”, etc.). D’emblée son récit tue tout suspense sur la survie des uns et des autres.
De cette galerie de protagonistes, il ressort que tous les personnages féminins sont des nymphomanes aux allures de poufs avec des noms en -a, on dirait le casting d’un film X. Les mecs sont quant à eux de parfaits crétins, obsédés, bourrins et soiffards. Le groupe de “héros” est du même acabit, la seule différence avec les autres, c’est qu’ils arrivent à la bourre.
Le club des cinq retardaires, le capitaine Kirk et son second couteau (ou second crochet), ainsi que le lieutenant Casper, débarquent sur “l’île de la mort”, la fameuse. Et le film commence enfin pour de bon.
Présenté comme ça, on dirait une vaste blague, mais il ne s’agit pas d’humour volontaire détournant le genre vers la parodie : House of the Dead se veut on ne peut plus sérieux dans propos, sans intention comique.
Au terme de cette intro de vingt minutes, le spectateur lambda est mort d’ennui depuis un bon quart d’heure. Le nanardeur savoure et part à la chasse aux indices. Rien ne manque. Dans cette ouverture de remplissage où il ne se passe rien, on se régale : décors fauchés, suspense zéro, effets et maquillage ratés, personnages débiles, dialogues affligeants et doublage à l’avenant, acteurs amateurs, île maudite cliché, seins qui foisonnent pour un oui pour un non…
Les clichés et incohérences continueront de s’accumuler pour garder le même niveau miteux… Les ados qui boivent, forniquent et partent tout seul dans les bois se font trucider, comme c’est original… Kirk est aussi trafiquant d’armes ce qui permettra de fournir tout le monde en flingues, histoire de rappeler de loin le jeu vidéo… Personne ne s’inquiète de débarquer dans une fête déserte où tout est dévasté et où traînent des t-shirts pleins de sang… Les zombies ont quand même pris la peine d’éteindre la musique en quittant les lieux de leur carnage… Bien sûr, qui dit île dit tempête qui se prépare pour empêcher tout le monde de repartir… Notons aussi la chronologie à géométrie variable où la nuit devient jour et vice-versa, avec abondance de scènes nocturnes dans les bois où on ne voit rien, ce qui n’empêche pas les protagonistes de se promener en plein soleil juste après… Tout est prétexte à montrer de la fesse, un peu, et surtout de la poitrine en veux-tu en voilà. Fiesta endiablée, baignade lascive, taches de vomi, chaque fois un t-shirt s’envole et bam ! Nichons ! Tout le long du film, jamais le cadrage ne rate une occasion de plan thoracique balancé avec la délicatesse d’une division de Panzer dans un magasin de porcelaine.
Bordel total de A à Z.
Pour essayer de rattraper ce merdier et montrer qu’il s’y connaît en cinéma, Boll cite tout et n’importe quoi : Star Trek, Le Bateau, Gandalf, Roméro, Tom Cruise, Rain Man, replace l’homme au crochet de Souviens-toi l’été dernier, glisse un crachat acide qui rappelle le sang du xénomorphe d’Alien…
Tout est du même acabit jusqu’à la conclusion du film, on ne sait où donner de la tête devant tant de n’importe quoi, chaque image recelant une perle de nawak. House of the Dead s’impose comme le nanar ultime des années 2000, un pauvre gobelet en plastique élevé au rang de Graal.
Pas une scène sans faux raccord, incohérence, facilité d’écriture, détail foireux, genre l’étudiant qui se promène avec une grenade avant la distribution générale d’armement par le captain Kirk.
La fliquette, elle, part dans un coin pour pisser ou cueillir des champignons, on sait pas trop, et revient avec un énorme sac bourré de flingues. D’où sort cet arsenal ? On sait pas trop non plus. Juste il était là quelque part. Parce que.
Au bout de cinquante minutes, l’histoire du film rejoint enfin celle du jeu. Kirk, le marin-pêcheur-capitaine-croisière-trafiquant-d’armes répartit un arsenal de contrebande sorti à la fois de Doom et de l’entrée “hétéroclite” du Larousse : fusil à pompe, machette, couteau, revolver, grenade, pistolet-mitrailleur, dynamite, fusil d’assaut…
La clique de bras cassés se met en route vers la fameuse maison du titre pour dégommer du zombie.
Et là, scène d’anthologie ! C’est le moment où, au plan technique, le film atteint le top de son délire. Pour faire style, on a droit à un méli-mélo de ralentis-accélérés-bullet time à gogo. Pour être sûr qu’on comprenne bien le procédé, tous les personnages y passent, chacun a droit à sa minute de gloire, la caméra fait son petit tour au ralenti pendant que l’acteur garde gentiment la pose. Grand moment d’artisanat nanar. On passera sur des détails comme les armes d’un personnage variant d’un plan à l’autre ou un pistolet qui réussit à faire BANG BANG alors que la position de la culasse indique qu’il est déchargé.
Dans cette scène d’assaut de la maison, tout se condense en quelques minutes. Certains zombies ont à l’évidence été maquillés en 10 secondes, la moitié des figurants errent sans savoir ce qu’ils doivent faire, les acteurs tiennent leurs armes et tirent n’importe comment et, malgré les giclées de sang lors de corps à corps à l’arme blanche, personne n’a une tache sur son costard.
Attention, festival !
House of the Dead, c’est aussi des décors foireux de film d’aventures du pauvre, croisement improbable et fauché de Pirates des Caraïbes, Indiana Jones et Les trois mousquetaires dans un foisonnement d’idées saugrenues. Le scénariste a mis tout ce qu’il avait en tête, la costumière tout ce qu’elle avait dans l’armoire, l’accessoiriste tout ce qu’il avait dans sa boîte à malices. Personne n’a fait le tri. L’ensemble relève de la psychiatrie.
ACTE III – Les bonus maison
Un travail de fond exemplaire
La figure du zombie recouvre ici tout ce qu’on a pu voir dans tous les films du genre. Ils sont en pleine décomposition, ou ont juste le visage couvert de fard blanc, certains sont de simples squelettes réanimés et d’autres ressemblent à Hulk couvert de mousse. À la décharge du film, c’était déjà le même festival dans le jeu.
La tradition veut qu’on tue les zombies d’une balle dans la tête. Ici, le modus operandi varie entre le déchiquetage à l’arme automatique ou à la grenade et… un simple bocal en verre éclaté sur la tête. Oui, oui, les zombies tombent dans les pommes.
Les zombies sont très rapides ou très lents, très agiles ou très patauds. Certains ont même des yeux qui font de la lumière rouge comme Terminator. Un seul peut cracher un glaviot corrosif alienoïde. Si au royaume des aveugles les borgnes sont rois, au pays des zombies l’incohérence est impératrice.
Quand au grand méchant du film, il souhaite plus que tout être immortel. Pourquoi ? Ben pour vivre éternellement pardi. Admirez le raisonnement qui ne tourne pas du tout en rond. On ne sait pas à quoi il occupe sa non-vie depuis des siècles : pas de conquête du monde au programme ni de création d’une dulcinée zombie, que peut-il bien faire glander de son temps libre ? Sans doute rien de bien intelligent. Son secret d’immortalité vient du sang de ses victimes : il a donc choisi de rester sur une île déserte où, par définition, il n’y a pas de victimes potentielles. V’là le gars malin…
Répliques en vrac
Lucidité : “Simon est beau mais il n’a pas grand-chose entre les oreilles.”
Subtilité : “Qui dit que la taille n’a aucune importance ?” (dixit un gugusse brandissant un énorme flingue)
Humour ravageur : “Vous êtes le capitaine Kirk ? Et lui, c’est peut-être monsieur Spock ?”
Réflexion pointue : “Et si on… je crois que… je pense que… il va pleuvoir. Faudrait qu’on aille… quelque part où on sera pas mouillé.”
Romantisme : “Toi et moi on va se faire une sacrée partie de jambes en l’air, ma puce. (…) Attends, faut que j’aille pisser. Toute cette bière donne envie de pisser.”
Épilogue
Je ne ferai pas l’apologie de l’alcool ni de susbtances illicites qui permettraient de profiter à fond du film. Je l’ai regardé sans dopage qu’il soit légal ou pas et c’est passé comme une lettre à la poste. Néanmoins, je le déconseille à toute personne saine d’esprit. Quoi que vous espériez voir dans House of the Dead, ce sera une déception. Il est impératif de le voir sous un jour décalé pour dépasser le stade du pur navet dont il a toutes les caractéristiques. L’amateur de nanar sera quant à lui aux anges à chercher les petites bêbêtes qui truffent chaque scène et attrapera le tournis à force d’en perdre le compte. De ce point de vue, c’est l’hilarité non-stop ! Hormis sous cet angle et dans cet état d’esprit, il n’y a AUCUNE bonne raison de s’infliger pareil spectacle. Vous êtes prévenus.