American History X – Tony Kaye

Un pote m’avait embarqué voir American History X à sa sortie. Pour de mauvaises raisons – la fameuse scène du trottoir. Il avait des goûts on ne peut plus douteux en matière de cinéma. Souviens-toi… l’été dernier, Taxi, Godzilla, American Pie et je ne sais combien d’autres abominations sorties dans la période 1996-1999, toutes les merdes de l’époque, il m’a emmené me les taper. American History X est le seul bon film que j’ai vu en sa compagnie.

American History X Tony Kaye 1998

Enfin, “bon”… Il est bourré de défauts plus ou moins importants. Un peu trop de pathos autour des frangins Derek (Edward Norton) et Danny (Edward Furlong). Des effets de mise en scène qui rendent certains passages particlièrement marquants… tout en restant ce qu’ils sont : de la mise en forme, dont on sent bien qu’elle est là pour souligner quelque chose.
Certains personnages sous-exploités alors qu’il aurait fallu, comme leur sœur, hermétique à l’idéologie néonazie et même carrément à l’opposé, donc ça aurait été bien de nous raconter pourquoi elle y a échappé alors qu’elle a grandi dans le même contexte familial, avec le même père raciste qui a déteint sur les fistons. Le traitement des personnages noirs, pas opti non plus, à commencer par ceux qui permettent à Derek de sortir de son idélologique merdique, cantonnés au stéréotype de ce que Spike Lee a appelé le “magical negro” (son ancien prof Sweeney fait figure de sorcier africain, son pote de prison de Black sympa et rigolo, les deux ont pour fonction de lui transmettre la sagesse et n’ont aucune épaisseur supplémentaire).
Et surtout, y a une foutue narration à trous, gruyère qui laisse dans l’ombre un paquet de choses (le rôle du mentor Cameron Alexander dans le basculement de Derek à l’adolescence, l’ascension de ce dernier au sein de son groupe de skins). J’ose même pas imaginer à quoi devait ressembler la première version du montage, plus courte de quarante minutes. Qu’est-ce que ça pouvait bien raconter ?…
Enfin, si le film pose à travers le personnage de Sweeney la question de l’idéologie néonazie sous de façon pragamatique – “est-ce que ça a rendu ta vie meilleure ? –, angle d’approche intéressant parce que différent des habituelles réflexions éthiques éthérées, la réponse n’ira pas plus loin qu’un simple non qui ne mène pas bien loin. Ce qui fait que si la réponse avait été affirmative, on pouvait à partir de là tout justifier, à commencer par le pire. Et jamais, mais alors jamais, le chemin “rédempteur” de Derek ne revient sur ce qui l’a conduit en prison : un double meurtre pour lequel il manifeste zéro remords après sa prise de conscience.

Reste qu’en dépit de tous ses défauts, le film mérite d’être vu, parce qu’il est marquant. Et pas seulement sur la base de l’interprétation parfaite d’Edward Norton.
Déjà, parce qu’au vu de l’ambiance actuelle aux États-Unis et en Europe, American History X n’a pas pris une ride et aurait pu tout aussi bien avoir été tourné l’année dernière.
Parce qu’il montre la réalité du suprémacisme blanc, au-delà de l’image que beaucoup en ont de groupuscules de gens un petit peu agités, plus folkloriques qu’autre chose avec leurs symboles d’un autre âge. Ici, il est question de leur nombre et leur violence au quotidien est montrée à travers le commando sur la supérette et le double meurtre sans états d’âme de Derek (qui affiche même un sourire de winner dans une iconographie très christique de sauveur, en calcif avec sa croix sur le torse).
Parce qu’il évoque, derrière les bourrins bas du front, les idéologues de l’ombre qui les téléguident en arrière-plan pour grimper tranquillos les échelons du pouvoir. Un point qui aurait pu être davantage mis en lumière…
Parce qu’il parle de la diffusion du racisme au sein de la cellule familiale. Le petit frère suit les traces du grand frère qui a lui-même été influencé par son père.

C’est en tout cas un film qui m’a marqué, aussi imparfait qu’il soit. À l’époque où je l’ai vu, je bossais justement sur le nazisme. La question était au programme d’histoire pour le concours de l’ENS. Je connaissais le sujet pour l’avoir bossé à fond, jusqu’à me taper l’indigeste Mein Kampf. Mais… Je ne le connaissais que dans les limites de son intitulé, “Le nazisme des origines à 1945” et pas des masses au-delà. La borne finale prête à discussion, qui semble poser la défaite du IIIe Reich comme la fin du truc, en oubliant que derrière il y a eu des suites, à commencer par les procès pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Impasse aussi sur la (très partielle) dénazification de l’Allemagne d’après-guerre, la diaspora nazie vers l’Amérique latine ou le Moyen Orient (mais pas que), la survivance d’un IVe Reich planqué dans une base secrète en Antarctique et surtout l’héritage des foufous de la croix gammée à travers la mouvance néonazie.
Bref, je savais de quoi on parlait, mais ça restait une connaissance historique de la question, éloignée dans le temps et abstraite. American History X m’a fait prendre conscience que le nazisme restait une réalité contemporaine à l’aube du XXIe siècle.
Un quart de siècle plus tard, on n’en a toujours pas fini avec ça, au contraire…

Elon Musk salut nazi
Je préférais quand le meilleur ami de Donald, c’était Mickey.
Publié le Catégories Chroniques ciné