Rose et verte, la bibliothèque de ma jeunesse

Bibliothèque verte
Source photo : Wikipedia (je n’ai plus d’exemplaires à photographier en ma possession)

Comme beaucoup de gens de ma génération, la Bibliothèque verte et la Bibliothèque rose auront nourri en abondance mes lectures de jeunesse. À noter qu’on parle ici des versions années 50 à 80, avant que Hachette ne trouve judicieuse l’idée de chier sur le travail des auteurs en retouchant le texte comme des foutus gougnafiers. Et ça se prétend éditeur… Ben ça va, y en a qui sont pas gonflés…
Bref.
Dans mon cas, quelques one-shots de Jules Verne et une poignée de tomes issues de séries comme Les Six Compagnons ou Le Clan des Sept doivent représenter 1% de mes lectures dans ces deux collections. Le reste se répartit entre Michel (Georges Bayard), Le Club des Cinq (Enid Blyton), Les trois jeunes détectives (Alfred Hitchcok, qui n’en a écrit aucun) et Alice (Caroline Quine), dont j’ai lu l’intégralité des aventures – au moins ce qui était sorti à l’époque, pas les titres postérieurs aux années 90 ou jamais traduits. Les Club des Cinq et les Michel, je les tenais de mon paternel, les Alice et les pseudo-Hitchcock m’ont été pour la plupart offerts par ma mère et le reliquat emprunté à la bibliothèque de quartier derrière chez moi.

Michel
Georges Bayard

C’est marrant, parce qu’en me lançant dans cet article de souvenirs de lecture, je me rappelais bien Alice, les cinq clowns et les trois cocos mais Michel, rien, zéro, nib, peau de balle. Il aura fallu parcourir la liste des séries de la Bibliothèque verte pour que le gars remonte des abîmes de l’oubli.
Je les ai pourtant tous lus.
Le héros marquant, donc.
Michel est un ado de 15 ans qui se retrouve à jouer les détectives amateurs, comme les trois quarts des héros et héroïnes de la littérature jeunesse de l’époque. Michel est très athlétique, très intrépide, très responsable, très tout, un peu trop, ce qui fait que je n’ai jamais vraiment accroché à ses aventures. Le parfait chevalier blanc, très lisse et propre sur lui, sans une faille ni un défaut, encore moins une part d’ombre qui le griserait un chouïa.
Après, c’est pas une mauvaise série, loin de là, c’est même de la bonne littérature jeunesse action/aventure/mystère, elle est juste tout à fait de son temps, celui des héros modèles au sourire Colgate. Mais moi les modèles, ça m’a jamais branché, les personnages sans un poil qui dépasse et toujours aussi bien coiffés à la fin de l’aventure qu’au début m’ennuient, je les trouve insipides.
Si on aime les preux chevaliers des années 50-60, là, ça peut plaire. C’est vous qui voyez.

Le Club des Cinq
Enid Blyton

Comme Michel, c’est une bonne série qui fait bien son taf de littérature jeunesse.
Comme Michel, pire même, elle me sortait par les yeux et en même temps elle me fascinait. Faut dire qu’au début des années 80, quand je les ai lus, elle était déjà bien datée avec un paquet de trucs qui paraissaient anachroniques à un gamin urbain de l’époque. Comme leurs vacances dans des environnements hyper ruraux, dans des coins où y avait pas forcément l’électricité ni l’eau courante, des coups de fil qui passaient encore par des opératrices et des standards, un univers qui comptait trois bagnoles pour cent cinquante habitants… Et surtout, j’étais médusé par leurs occupations. Ils en avaient trois : le vélo, la baignade, les pique-niques. Tous les jours. De chacune de leurs vacances. Pendant 21 tomes.
Jamais je ne me suis reconnu là-dedans, ni dans leur monde ni dans aucun des personnages qui sont censés avoir dans les 10-12 ans quand tout donne l’impression qu’ils en ont six de plus.
Dagobert, déjà, c’est un chien, j’ai horreur des chiens. François, trop responsable, trop sérieux, trop gamin parfait. Michel, je n’y avais vu qu’un clone de François, même s’il est censé être plus turbulent. Faut dire aussi que ses plus grosses bêtises, c’est genre rentrer avec cinq minutes de retard, c’est pas de la turbulence qui va bousculer l’ordre établi des bourgeois. Annie, l’insipide et transparente petite fille modèle. Claude, j’aurais pu accrocher au personnage qui cherche à transcender les limites de genre, sauf qu’à nous répéter soixante-dix fois par bouquin qu’elle est un garçon manqué, l’insistance relou gave bien comme il faut.
Après, c’est une bonne série, juste faut aimer le monde petit-bourgeois et bien policé où tout et tout le monde reste dans les clous de qui est socialement et moralement acceptable sans jamais rien bousculer. J’étais déjà de la graine d’anarchiste à 6 ans, donc pas du tout le public cible.

Les trois jeunes détectives
“Alfred Hitchcock”

Nom de l’auteur entre guillemets, vu que le gars Alfred n’a pas écrit une ligne ni des romans ni même des préfaces soi-disant signées par lui (le tout rédigé en grande partie par Robert Arthur Jr. plus quelques autres auteurs). À l’époque je pensais que c’était lui, pas une astuce éditoriale pour vendre du papier sur un nom bankable. Après on se demande pourquoi je me méfie des éditeurs…
On suit les aventures d’un trio d’ados qui résolvent des énigmes, ce qu’on n’aurait pas du tout deviné au titre de la série. J’aimais beaucoup.
Le chef du groupe, Hannibal, est plutôt dodu, et ça changeait par rapport à tous les autres héros athlétiques capables de pratiquer un sport différent par tome. Aux côtés d’Hannibal, on trouve quand même un sportif, Peter, parce qu’il y en a toujours un, mais celui-ci est un trouillard de première. Et ça, j’ai bien aimé aussi, le fait que les personnages aient des défauts, qu’ils ne soient pas des modèles de courage et de toutes les autres qualités concentrées dans des héros parfaits. Enfin, Bob vient compléter la bande, l’intello binoclard qui était mon personnage préféré (identification facile, on dirait mon sosie).
Le QG de la bande m’a aussi beaucoup marqué : une caravane enfouie sous un tas de foutoir dans la brocante de l’oncle d’Hannibal, munie de plusieurs sorties secrètes comme la base de Goldorak (en moins ambitieux quand même, ça reste une caravane avec deux accès).
Une très bonne série que j’ai dévorée (même si en vrai, j’ai pas mangé les livres, mais vous voyez l’idée).

Alice
Caroline Quine

Beaucoup de changements de l’anglais au français : Nancy Drew devient Alice Roy, Carolyn Keene devient Caroline Quine, tous les protagonistes sont rebaptisés… ‘Fin bref, rendons grâce à Mildred Wirt Benson d’avoir inventé le personnage.
Alice, c’est Barbie détective. Jeune, jolie, blonde, riche, intelligente, dynamique et toujours très occupée tout en ne glandant rien, elle vit dans un monde de piscine et de poney-club. Seule différence, l’indépendance totale, pas de Ken dans les guiboles, même si Alice a son chevalier servant, un jeune homme si propre sur lui qu’il redéfinit la notion de détergent (et de personnage insipide).
Moi qui n’ai jamais aimé les héros parfaits, trop polis et lisses pour être intéressants, on peut bien se demander pourquoi j’ai adoré cette série dont l’héroïne est un modèle de perfection absolue avec toutes les qualités du catalogue et zéro défaut.
Ben parce que c’est une héroïne, justement. Et que ses histoires proposaient autre chose qu’un personnage féminin de faire-valoir du héros, pleurnicheuse, potiche, demoiselle en détresse et autre représentation littérale de l’expression “sexe faible”. Alice dépote et c’est pour ça pour qu’on l’aime. Après, elle dépote selon les critères de l’époque de sa création, donc sagement, sans clope au bec ni fusil à pompe à la main. Mais voilà, c’était autre chose que les Candy, Georgie et Princesse Sarah, les pleureuses de l’enfer…
Alice aura aussi été en classe de CE1 l’objet des mes premiers fantasmes érotiques autour du bondage, vu sa manie de se retrouver ligotée et bâillonnée dans chaque volume de ses aventures. Mais c’est une autre histoire…
En tout cas, avec le recul, je me suis rendu compte que cette série de romans à mystère avait beaucoup pesé sur ma vision des femmes. À côté d’Actarus, de Capitaine Flam, d’Albator et d’autres héros qui faisaient des trucs de héros (pour l’essentiel en tirant au flingue, au canon ou au rétrolaser), il y avait Alice, Lady Oscar ou encore le trio de Cat’s Eyes, des héroïnes qui faisaient des trucs d’héroïnes (avec un peu plus de finesse et de ruse que ces messieurs dont la stratégie consistait en général à tout désintégrer). Des hommes et des femmes qui étaient capables de faire la même chose à égalité. Depuis, c’est resté.

Publié le Catégories Critiques express

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