Tout est sous contrôle – Hugh Laurie

Tout est sous contrôle
Hugh Laurie

Points

Couverture roman Tout est sous contrôle Hugh Laurie Points

En 1996 paraît The Gun Seller. L’ouvrage rencontre un joli succès outre-Manche où l’auteur, un certain Hugh Laurie, est assez connu. Hors Grande-Bretagne, le roman passe inaperçu.
Le titre aura droit à une seconde vie quand son auteur accèdera à la renommée mondiale avec la série Docteur House dont il incarne le rôle principal. Un best-seller, pas forcément pour de bonnes raisons, i.e. l’éditeur Points qui colle un beau bandeau “par l’interprète de Dr. House”, ce qui a amené pas mal de lecteurs à s’attendre à trouver du House dans Tout est sous contrôle, sauf que non, vu que le bouquin est bien antérieur à la série et sans le moindre rapport avec icelle. D’où pas mal de déceptions, pas forcément pour de bonnes raisons non plus.
Je me suis lancé dedans par curiosité. C’est toujours assez rigolo de voir les gens du cinéma se lancer dans des domaines de compétence qui ne sont pas les leurs et se viander la plupart du temps. Dans les années 80, c’était la chanson, leur plan B de prédilection. Beaucoup d’entre nous ont entendu Madame Sardine de Pierre Richard ou Jolie Poupée de Bernard Menez, peu s’en sont remis. Déjà chanter, c’est pas à la portée de tout le monde, écrire encore moins.
Bon ben à l’arrivée, Hugh Laurie ne s’en sort pas si mal. Notez que le gars était déjà un artiste polyvalent de longue date, acteur et musicien. Partant, pourquoi pas auteur aussi en plus ?

Or donc, c’est l’histoire de Tom Lang, un ancien militaire qui passe désormais l’essentiel de son temps à glander, quand il ne joue pas à l’occasion les détectives privés ou les gardes du corps. Un beau jour, ou peut-être une nuit, un type propose de l’embaucher pour en buter un autre, ce que Lang refuse, parce qu’il a des principes et bosser comme tueur à gages, c’est niet. Mieux, il décide même d’aller prévenir la cible désignée que ses jours sont en danger. Ce qui partait d’une bonne intention va tourner au grand nawak avec du complot, du terrorisme et des histoires de gros sous dedans.
Ce cocktail thriller-action-espionnage-comédie fonctionne plutôt bien dans sa première partie. Beaucoup de choses n’ont pas de sens sans qu’on en soit choqué outre mesure, parce que beaucoup d’humour. Noir, pince-sans-rire, absurde, très british donc, pas aussi outrancier ni loufoque que du Monty Python mais on reste dans le même esprit décalé. Sous ses airs de polar classique, le texte ne se prend jamais au sérieux et ne cherche jamais à passer pour tel, désamorcé par les répliques de Tom Lang plus barrées les unes que les autres. Petit point commun quand même avec le Gregory House que Laurie incarnera quelques années plus tard, l’impertinence de Lang, son cynisme et sa rébellion systématique à l’égard de toute autorité. Mais ça reste ténu.
Manque de bol, après cette première partie, vient une seconde. Et là… Mouais… Moins convaincant. Le récit devient alors sérieux pour de vrai, avec beaucoup moins d’humour, limité à quelques touches par-ci par-là, voire plus du tout sur la fin. Trop long pour ce que ça raconte, qui ne méritait pas un développement pareil. Et en même temps trop court, puisque ce deuxième volet passe trop vite sur ce qu’il essaye de raconter, son action, ses personnages secondaires, son ambiance… L’intrigue ne rattrape pas la mayonnaise qui s’acharne à ne pas monter. Hyper classique et déjà vu dans la catégorie thriller-espionnage, un peu Robert Ludlum, un peu Tom Clancy, un peu moyen. Et sans la touche de comédie qui permettait d’enrober certaines situations et de faire passer la pilule en mode “c’est pour de rire, ça n’a pas besoin d’être ultra réaliste”, il ne reste que du sérieux à trous, qui manque de profondeur, de crédibilité et de tension mais pas d’incohérences, de grosses ficelles ni de facilités d’écriture. Ce second versant aurait mérité au contraire une double dose d’humour pour éviter de se cantonner à du James Bond discount. Alors c’est pas non plus indigne, juste très classique dans sa trame globale et pas des masses palpitant.

Les deux parties mises bout à bout, on dirait un quatre mains tant la première et la seconde ont des tonalités différentes. Y a-t-il eu entre les deux un gros délai de pause, avec un Laurie qui se serait remis à l’ouvrage dans un état d’esprit différent ? Laurie s’est-il pris au jeu en cours d’écriture pour vouloir in fine accoucher d’un “vrai” roman d’espionnage loin de la foutraquerie san-antonionesque initiale ? Ou alors c’est fait exprès ? Un genre de montée en puissance qui verrait l’humour disparaître pour signifier que la plaisanterie a assez duré et que les enjeux ne prêtent plus à la rigolade ?
On ne sait pas. Et on ne saura sans doute jamais.
Bilan des courses, tout n’est peut-être pas autant sous contrôle que l’annonce le titre et le résultat est un roman bancal, très déséquilibré entre ses deux parties. Après, l’ensemble se laisse lire, et faut garder en tête qu’il ne s’agit jamais que d’un premier roman, avec tout ce que ça peut impliquer comme défauts de débutant. De la part d’un illustre inconnu, l’indulgence aurait peut-être été de mise. Mais parce que c’est Laurie, beaucoup s’attendaient à ce que tout soit parfait. Ben non, les gens, Laurie ou pas, ça reste la même bleusaille…
Bref. Roman perfectible mais pas une purge non plus. Dommage que Laurie n’ait pas persévéré dans l’écriture – on attend son deuxième roman depuis une quinzaine d’années –, avec davantage de pratique, il aurait pu faire de bonnes choses dans le domaine de la fiction absurde et se glisser dans les pas d’un Douglas Adams.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *