Avec un titre pareil, on s’attendrait à voir ma biographie adaptée au cinéma, mais non il s’agit du roman de Richard Matheson mais en (beaucoup) moins bien.
Robert Neville est le dernier survivant de l’humanité, du moins le croit-il, après une pandémie qui a dézingué l’essentiel des Terriens et transformé le reste en monstres, lesquels ont à leur tour fumé les survivants.
Dans le bouquin, c’était un mec normal. Dans le film, Neville est un scientifique qui raflerait une brouette de prix Nobel s’il restait quelqu’un pour les lui remettre. Bon ben déjà, mauvais choix. On se retrouve in fine devant un super-héros moins le costume WTF. Ce genre de personnage n’est pas intéressant dans ce contexte. Ce qui faisait une partie du sel du bouquin, c’est que Neville était un type lambda auquel on s’identifie plus facilement, et on pouvait bien se demander comment monsieur Tout-le-monde était capable de survivre à l’apocalypse sans moyens, ressources, compétences, pouvoirs hors du commun. Là non, Neville excelle en tout et puis voilà.
Le livre m’avait plu parce qu’il réussissait une histoire forte et prenante au croisement de la SF (virus, mutation, contexte post-apo) et du fantastique (les vampires). Dans le film, les vampires, on peut s’asseoir dessus. Tout ce versant est évacué pour ne proposer que des infectés déjà vus mille fois à l’époque de la sortie, 28 jours plus tard et ses nombreux descendants étant passés par là. Ne reste que leur sensibilité à la lumière qui les rattache de loin aux vampires. Au revoir aussi certains traits de l’espèce (capacités cognitives et sociales) pour la réduire à une bande de cannibales bourrins et débiles. C’est con, parce que c’était quand même un tout petit peu le sujet central du roman : le remplacement d’une espèce par une autre, l’instauration d’une société vampirique sur les ruines de la civilisation humaine. Le titre en perd tout son sens. Neville était censé, en tant qu’unique survivant, être une légende aux yeux des vampires, comme les vampires l’étaient au temps de la splendeur de l’humanité. Là, c’est juste “je suis tout seul à tataner des monstres”.
On l’aura compris : sans les axes originels de réflexion, le film est une coquille vide qu’on regarde sans se fouler les neurones.
Seul aspect à peu près réussi, la première partie du film qui présente le quotidien de Neville. Le décor d’une New York vide et retournée à l’état sauvage fait son petit effet, avec quelques plans impressionnants par leur jeu de lumière.
Si le titre n’avait pas déjà été pris par Goldman, ça aurait pu s’intituler Je marche seul. En suivant Will Smith pas à pas, le film réussit quelque chose autour de la thématique de la solitude. Après, s’il commence gentiment à perdre la boule, on reste assez loin du personnage plus torturé du roman. Un peu trop lisse.
Par contre, dès que d’autres humains entrent en scène, le film part en vrille totale pour se terminer dans une ambiance “sabre et goupillon”. La religion et l’armée comme base de la société des survivants humains, on voit pas trop où est le changement par rapport aux États-Unis d’avant la pandémie…
On a donc un film creux qui n’a rien compris (ou n’a rien voulu comprendre) à l’histoire, à la thématique et à la symbolique du roman pour réduire le tout à peau de zob. Je suis un héros messianique qui savate des streums, voilà comment cette adaptation poussive aurait dû s’intituler.