Hilda
Hanz Kovacq
Dynamite / Rebecca Rils
Au Moyen Âge, la princesse Hildegarde, fille du roi Karlh (ou Kharl selon les bulles), est accusée d’avoir commis l’inceste avec son frère, de s’être livrée au commerce avec le démon et d’avoir assassiné ses parents.
Voilà une situation initiale qui laisse entendre que ça va barder pour le matricule de la miss et on ne croit pas si bien dire…
Présentée au juge à poil dans la première case, elle se fait éclater la rondelle dès la troisième page par le bourreau pour lui extorquer des aveux. Peut-être pense-t-il qu’en poussant par le cul, ils sortiront par la bouche, on ne sait pas…
Le ton est donné d’entrée : on n’est pas dans l’érotisme à fleur de peau mais dans du boulard qui tache.
Mais ce n’était qu’un rêve et Hilda se réveille au XXe siècle, loin des complots ourdis par sa belle-mère, sans doute formée par celle de Blanche-Neige, pour lui ravir le trône.
Puis elle se rendort, retourne à son rêve horrible de torture sexuelle et se reréveille… On n’est qu’à la page 6 et déjà, le “récit” est plus haché que le steak du même nom…
Pour la consoler de son cauchemar, sa sœur Sandra lui fait des gentilles papouilles qui se transforment en broutage de minou. Sur ces entrefaites et entrecuisses, les donzelles partent consulter un psy pour Hilda. Or, ce psy est un démon ! Tada !
On a déjà atteint des sommets hallucinants de WTF alors que nous n’en sommes qu’à un tiers de l’album…
On l’aura compris, Hilda est un récit empreint de fantastique, foufou dans ses délires orgiaques, où chaque page ajoute une touche de nawak. Ça n’arrête jamais, chaque aller-retour entre l’an de grâce 1234 et la période contemporaine donnant lieu à une scène de cul plus barrée que la précédente. Ce récit déjanté fonctionne dans son outrance et sa façon de ne pas se prendre au sérieux, tout en étant mené avec maîtrise et servi par le superbe coup de crayon de Kovacq, précis et riches de détails.
Ce premier tome, en dépit de son titre, a le bon goût de ne pas se focaliser que sur son héroïne jusqu’à plus soif, insistance qui a le vite le don de fatiguer le lecteur à ressasser sans cesse le même sujet. On assise aussi aux turpitudes des royaux parents d’Hildegarde et à celles de la duchesse Hermengarde, ainsi qu’aux premiers pas d’Hildegarde dans le monde merveilleux du pétard en folie, auxquelles viennent s’ajouter les fantaisies démoniaques et tentaculaires du docteur Baalt et de son assistante Gerda, ainsi qu’une touche lesbienne autour de la sœurette Sandra. Soit une sacrée variété dans la gaudriole, autorisée par le nombre de personnages et le choix narratif malin d’une double trame chronologique médiévale et contemporaine.
Si le récit semble de prime abord décousu à caracoler d’une époque l’autre comme ça, pouf, il prend son sens passé le premier tiers de l’album en se construisant autour du concept de réincarnation, très en vogue dans les années 80-90 qui ont précédé sa publication. Après, on reste dans une histoire XXX, pas dans un édifice scénaristique à la Usual Suspects, donc il y a bien sûr un aspect prétexte et un peu capillotracté à cette histoire de réincarnation, mais pas que. Kovacq se sert de l’astuce pour créer de l’intrigue, pas juste comme un artifice narratif gratuit.
Verdict : c’est du bon, du beau, du lourd !
Le tome 2 s’ouvre en plein Moyen Âge sur le procès d’Hildegarde, soumise à divers supplices sexuels pour la punir de ses penchants saphiques. On passera sur cette étrange notion de justice qui voit les sanctions tomber avant même que le verdict ne soit prononcé…
Mais ce n’était qu’un rêve et l’alter-ego d’Hildegarde se réveille à notre époque. La recette est connue, identique au premier au premier volume d’Hilda.
À peine a-t-elle émergé du monde des songes qu’Hilda s’offre en guise de petit-déjeuner une partouze dantesque avec sa sœur Sandra, le docteur Kustner qui a recueilli les deux donzelles, et la mère de ce dernier. C’est un autre accueil que l’ami Ricoré !
Si la construction de cet opus ne varie pas d’un pouce par rapport au précédent avec le même jeu d’allers et retours entre les périodes médiévales et contemporaines, Kovacq ne se contente pas d’un copier-coller. Il poursuit ses deux histoires, celle d’Hildegarde tout en flashbacks sur ses débauches qui la conduiront au procès et au bûcher, et celle d’Hilda, sans cesse assaillie par ses souvenirs et traquée par le démon qui cherche à retrouver sa trace. Tout en s’appuyant sur les contes (la princesse Valgerda a les traits et le costume de la reine Grimhilde de Blanche-Neige, la relation père-fille inspirée de Peau d’Âne), Kovacq les détourne ou plutôt les étoffe. Ces contes, à la base, loin des versions édulcorées et gentillettes de Disney, sont pleins d’histoires de meurtre et d’inceste, l’auteur ne fait que revenir aux sources. En y ajoutant du cul, qui ici monte encore d’un cran par rapport au premier tome, avec toujours plus de BDSM et de scènes de groupe.
Seul bémol, la fin, ni très claire ni très cohérente, et expédiée en mode “on verra ça au prochain numéro”.
Le tome 3 reprend pile où le précédent s’arrêtait : Hilda, Sandra et Tara, sœur de son bienfaiteur le docteur Kustner, à bord d’un bateau pour fuir le démoniaque docteur Baalt qui en a après les fesses de l’héroïne. Dès la première planche, les donzelles se tripotent, autant dire que question boulard, la série ne mollit pas sur la durée (et elle n’est pas la seule…).
L’histoire, par contre, prend de plus en plus de raccourcis scénaristiques en multipliant les facilités d’écriture, incohérences, deus ex machina… Baalt est au courant du départ d’Hilda et présent sur le bateau, parce que. Son assistante Gerda, qui l’a trahi juste avant parce que, est aussi à bord parce que. Aux dernières nouvelles, quand les donzelles embarquaient, Gerda partait dans l’autre sens.
Donc mis à part la scène d’ouverture entre filles, le premier tiers de l’album est en-dessous des précédents. La suite s’éloigne du schéma habituel entrecoupant les réminiscences d’Hilda quant à sa vie antérieure d’Hildegarde avec ses réveils contemporains, puisque Kovacq se lance dans un gros segment médiéval qui va occuper la moitié du tome et boucler l’arc narratif médiéval. Si le cafouillage scénaristique était la règle à la fin du deuxième tome et au démarrage du troisième, l’auteur redresse la barre et reprend la main sur son récit pour offrir du solide, livrant son lot de révélations (les circonstances de l’apparition du démon) et quelques explications bienvenues sur des éléments pas clairs du tout (les motivations de Valgerda et par contrecoup les revirements de Gerda). Les scènes de cul sur cette partie sont à mon sens un poil en-dessous du reste de la série, comme si Kovacq les avait mises par obligation éditoriale à un moment où il aurait préféré se concentrer sur la narration de son histoire. Au moins, les amateurs de hentai auront de quoi se rincer l’œil sur certaines fantaisies tentaculaires pas piquées des hannetons.
Au terme de ce tome 3, après un affrontement final à la Scooby-Doo, les péripéties d’Hilda sont bouclées et la série terminée (le volume 4 est plutôt un spin-off). Mention spéciale à la planche qui clôt l’album, sur laquelle Kovacq s’est lâché dans le délire !
Reprenant toute la bande des albums précédent (Hilda, Sandra, Tara, Gerda, le docteur Kustner et maman Kustner), ce tome 4 amorce un nouvel arc narratif… dont on n’a jamais eu la fin alors que la dernière planche annonçait pourtant un tome 5.
Les rêves d’Hilda reprennent, sauf que cette fois-ci elle se prend pour Mathilda, pensionnaire d’un établissement religieux où elle se livre aux plaisirs saphiques avec une de ses condisciples, Virginie. Ces cabrioles ne sont pas du goût du curé ni des nonnes qui dirigent la boutique et vont valoir à Mathilda moult punitions sexuelles qui la verront attachée, fouettée et emprisonnée dans une ceinture de chasteté. Ce segment ne présente pas de vrai récit construit, rien qu’une succession de supplices infligés à Mathilda. Joli mais creux.
Dans le même temps, en parallèle à ces réminiscences d’une autre vie, se déroule une méga partouze impliquant tous les personnages qui gravitent autour d’Hilda. Sauf que ce méli-mélo est juste posé là, gratuit, sans fondement narratif, donc inutile.
Donc du cul, oui, mais c’est tout. Zéro scénario pendant les deux tiers de l’album.
Le dernier tiers essaye bien de poser des choses mais les éléments sont balancés pêle-mêle (un sosie d’Hilda, l’enfance de Sandra, un démon) et noyés dans une débauche de scènes de cul qui hachent la narration et empêchent toute construction du récit.
Le résultat est une suite dispensable qui n’apporte rien aux trois excellents premiers tomes, suite inachevée de surcroît. Il aurait mieux valu que Kovacq ne s’embarque pas là-dedans ou entame carrément une nouvelle série avec de nouveaux personnages s’il avait envie à ce point de dessiner des nonnes nymphomanes.