Créé dans les années 90 par Joseph Zyskowski, le personnage d’Hellina a développé ses aventures dans Hellina, Hellina: Scythe, Hellina: Ravening et Hellina vs Pandora, plus l’excroissance Hellina: Genesis (ou Origins) qui, sans surprise vu le titre, raconte la genèse du personnage.
En français, deux tomes sont sortis chez Tabou et à ce que j’ai compris regroupent à peu près tout sauf Ravening, comme l’intégrale en VO (qui n’a rien d’intégral, donc, puisqu’il manque aussi Ravening). Vu les descriptifs respectifs de la VO (celle que j’ai lue) et de la VF, à vue de pif, c’est donc la même chose, avec les mêmes histoires, les mêmes bonus (moult couvertures alternatives) et, on y reviendra, le même défaut éditorial.
Si le projet démarre avec le duo Jai Nitz et Gabriel Andrade, la suite voit défiler une kyrielle de gens (Pat Shand, Luiz Campello, Juan Jose Ruyp, Richard Lyons, Loren Hernandez…), ce qui donne lieu à quelques variations de style, donc pas trop d’unité d’ensemble, et des histoires à l’intérêt en dents de scie, bonnes ou faibles selon le scénariste.
Alors ça raconte quoi ? Ben plus ou moins rien en fait. L’idée, c’est d’abord du politiquement pas correct. Des monstres et des démons, des foufounes et des nichons, du sang et de la violence.
Le premier tome nous montre d’entrée une Hellina en pleine baston homérique contre des loups-garous. Ce démarrage in media res avait du sens tant qu’il s’agissait de la première apparition d’Hellina. À partir du moment où est paru l’épisode Genesis/Origins, ça n’en plus aucun. Il faudra attendre le tome 2 pour connaître la genèse du personnage, renvoyée en prime en fin de volume. L’introduction en guise de conclusion, c’est audacieux… et crétin dans les mêmes proportions. Je trouvais l’idée débile dans la VO, je ne comprends pas pourquoi ce défaut d’édition a été reproduit dans la VF. Après, pas trop surpris non plus, Tabou n’a jamais été réputé pour la qualité de son travail éditorial qui consiste le plus souvent à ne rien faire d’autre que compiler ou recopier sans se fatiguer. Moins un éditeur qu’un simple imprimeur…
Or donc Hellina, à l’origine Sandra Lords, a d’abord été une petite fille violée par un père incestueux et pédophile qu’elle a fini par dézinguer, pour ensuite croiser la route d’un prêtre pervers qu’elle va buter, avant de rejoindre un groupe de rock sataniste, dont elle finit par fumer le leader, ce qui entraîne l’apparition d’un démon, Malazaar, qui lui refile des pouvoirs… et qu’elle poignarde dans la foulée. La meuf un peu violente, donc. En même temps, son attitude s’explique par le fait que tout le monde cherche à lui passer dessus sans tenir compte de son avis. On comprend qu’elle soit vénère. (Hellina: Origins)
Plus tard, devenue Hellina l’adjudicatrice des enfers, elle joue les shérifs démoniaques, chargée de faire respecter à grands coups de son fouet en peau de shoggoth des règles qui nous sont à peine expliquées. Entre deux missions, qui consistent pour l’essentiel à castagner sur des pages et des pages, elle fornique avec des adorateurs de Satan, se tape un vampire, roule des galoches à Scythe, sa supérieure. (Hellina)
À l’occasion, elle se frite avec Pandora qui se frite avec Scythe qui se frite avec Hellina qui se réconcilie avec Pandora qui se réconcilie avec Scythe qui se réconcilie avec Hellina, dans une imbitable histoire très mal dessinée. (Hellina vs Pandora)
Scythe et Hellina passent beaucoup de temps à savater des monstres (90% de l’histoire) et faire des trucs lesbiens (les 10% restants). (Hellina: Scythe)
Enfin, Hellina: Ravening, beaucoup plus riche en cul que les histoires précédentes, propose une avalanche de vampirettes lesbiennes qui se broutent le minou entre deux démembrements sanguinolents.
C’est trash toujours, de mauvais goût souvent, décomplexé mais prisonnier de son vide narratif. Hellina aurait pu être un comics intéressant si les scénaristes racontaient autre chose que d’interminables bastons. Le monde des enfers est à peine esquissé, sa hiérarchie, son fonctionnement, ses institutions restent très nébuleux, alors qu’il aurait fallu les détailler davantage pour creuser la profession de l’héroïne et bâtir un univers autour. Mêmes défauts que le jeu de rôle In Nomine Satanis qui se contentait en son temps d’une charge antichrétienne grasse et frontale en oubliant le worldbuilding derrière.
Même combat pour les protagonistes, qui ne font in fine que ça, combattre. La plupart n’existent que le temps d’une histoire et au revoir, déglingués au détour d’une case ou aspirés par le néant narratif. Ça manque de personnages récurrents qui auraient permis de bâtir un environnement à Hellina, elle aussi sous-développée et limitée à de la baston, quelques papouilles et ses objectifs de mission en cours. Ce n’est qu’à la toute fin du tome 2 qui s’achève sur sa genèse qu’on comprend un peu mieux qui elle est, mais juste un peu. Son histoire entre son premier contact avec un démon et son entrée en charge comme adjudicatrice restera un mystère. Dans l’ensemble, son parcours c’est juste de la bagarre tout du long avec pas grand-chose autour.
Ça aurait pu mais ça n’a pas. Vide scénaristique total, univers et personnages étiques, on comprend pourquoi Hellina n’a pas acquis la stature iconique d’une Vampirella ou d’une Lady Death. Les scénaristes se contentent de faire les sales gosses et il n’en ressort rien du tout, du tout. Un parfait gâchis.