Étoiles sans issue – Laurent Genefort

Dis au revoir à tes enfants, enfile ta combinaison spatiale (ou l’inverse si tu es curé), on part pour les étoiles ! Et en musique, s’il te plaît, parce que c’est du space opera.

Étoiles sans issue
Laurent Genefort
Scrineo

Couverture Etoiles sans issue Laurent Genefort Scrineo

Dans Étoiles sans issue, tu te glisses dans les godasses de Palestel, un type qui n’a rien de particulier, hormis beaucoup de bol et autant de malchance. Il va se retrouver à son corps défendant au beau milieu d’une machination qui grimpe jusqu’aux plus hautes sphères de l’État. Contraint à la fuite, il s’enfuit, il fuit et il fuit encore.

Pas évident de qualifier ce bouquin. Plutôt pas mal, bien, moyen, intéressant, décevant, sympa… Un peu tout ça à la fois, ça dépend ce qu’on attend de la SF.
Un très bon point, l’écriture propre. Une qualité de plume qu’on retrouve chez Asimov, Herbert ou Bordage. Un style classique, donc, mais très agréable à lire parce que de haut niveau.
Tant que j’y suis à citer des noms, niveau influences, références et “choses qui font penser à”, on peut citer Stargate (portes des Vangk entre les étoiles), Aeon Flux (le personnage de Belake), Fondation (la Terre comme berceau oublié), Dune (l’organisation politico-économico-dynastique, les personnages de Scarro (très Bene Gesserit) et Baniz (Duncan Idaho)), Les Guerriers du Silence (pour le parallèle entre Palestel et Tixu Oty).
Avec tout ça et ses propres idées en prime, l’auteur arrive à monter son truc à lui. Dépassant la mosaïque référentielle en libre-service, il développe un univers riche, cohérent et personnel. Un univers qui ne se limite à un joli décor en arrière-plan, puisque Genefort l’utilise à fond. Sur ce point, Étoiles sans issue est un très bon roman.
À un détail près qui m’a laissé très frustré, au point de devoir organiser un lâcher de call-girls dans mes pénates pour combler mon appétit. Les Vangk.
Si l’auteur utilise très bien le cadre qu’il construit… le cas des Vangk laisse perplexe. Tout ce qui les concerne est botté en touche alors que certains éléments nécessitent des explications. C’est pas comme si leurs portes des étoiles formaient la base du voyage spatial, ni comme si leurs écosystèmes sur plaque faisaient résonance avec la terraformation qui est au cœur de l’intrigue. À chaque fois qu’il est question des Vangk, on se croirait dans X-Files, les réponses oscillent entre “je sais pas” et “parlons plutôt d’autre chose”. Non mais non, quoi ! On veut savoir ou au moins avoir des pistes. Tu vas me dire que c’est normal, vu que Genefort parle des Vangk dans d’autres bouquins. Sauf que a) je ne les ai pas lus, étant donné que b) si tu regardes bien la couv’, il n’est mentionné nulle part “cycle de machin”. Étoiles sans issue se présente comme un stand-alone, il est censé constituer un tout en soi.

Autre manque, un défaut majeur à mes yeux, derrière le récit, ça sonne creux. Tout le long, je me suis demandé ce que le bouquin cherchait à me dire. L’auteur raconte une belle histoire mais ne va pas beaucoup plus loin. Ben oui, mes attentes en SF, c’est le message, les réflexions suscitées, au-delà des gros vaisseaux spatiaux et des piou piou de rayons laser.
Les luttes politiques, l’absolutisme et la puissance grandissante de l’Église ne s’accompagnent d’aucune réflexion politique ou religieuse. Idem le féodalisme et le système de caste niveau social, la croisade de terraformation niveau environnemental, et les consortiums niveau économie. Dommage, parce qu’il y a tout ce qu’il faut.
Oui, on voit bien que des gens veulent tripatouiller l’environnement et que ça va mal finir. Qu’un État absolutiste allié à une Église intransigeante et soutenu par ceux qui ont le pognon, ça va mal finir. Qu’une société de castes est inégalitaire. Mais ce sont des évidences et on n’en décolle jamais. On le sait tout ça, l’Histoire le démontre depuis 6000 ans, et on vit dedans en plus (en France, tu remplaces juste Église par laïcité).
Dans Fondation, on trouve un discours sur l’histoire, le poids des masses et des individus sur son cours. Chez Philip K. Dick, les questions tournent autour du contrôle de l’individu et de la définition de l’humain. Dune, il me faudrait des heures pour lister toutes les pistes sur le destin, la liberté, la politique, la religion, l’environnement…
Je n’attendais pas du bouquin qu’il tartine des pages de message tout prêt à interpréter et méditer ensuite. Mais il ne pose même pas de questions, en tout cas rien de renversant (politique et luttes de pouvoir, religion et croisades, on a du stock sur le sujet depuis un bail).
Donc là, déception. D’autant plus grande que le bouquin ne manque pas de qualités. Entre une belle plume, un cadre bien construit, des tonnes de détails inventifs, on plonge vite dedans, on s’attend à… et là… ben ça dépend vraiment du lecteur. Certains y trouveront leur compte en matière d’évasion, d’action, d’opéra spatial. D’autres, comme moi, resteront sur leur faim.

Nourriture de l'espace
Miam, la bouffe de l’espace. L’avantage en cas de gastro, c’est tout pré-vomi.

La narration n’est pas parfaite non plus. À la moitié du bouquin, je me suis demandé où était la tension. J’ai vérifié dans mon cul, elle n’y était pas. Ok, on trouve une bonne dose d’enjeux politiques autour de Palestel, de ce côté, rien à redire. Mais lui là-dedans ! À ce stade de l’histoire, Palestel a déjà échappé X fois à la mort et Y fois à Z poursuivants. Schéma qui ravira les amateurs d’action mais un peu répétitif. Et comme il ne peut visiblement rien lui arriver, on ne s’angoisse pas sur son sort (là où Herbert n’hésite pas à flinguer des personnages chers au lecteur).
Palestel souffre aussi d’un gros défaut : il a autant de charisme que Luke Skywalker au début de Star Wars. Autant dire pas des masses. Je veux bien qu’il soit écrasé par des forces qui le dépassent, mais jamais il ne prend les choses en main, se contentant d’être bringuebalé par un gars, puis un autre, puis un troisième, et ainsi de suite. Toujours en retrait, le personnage principal pèse autant qu’un second couteau. Tous les protagonistes qu’il rencontre prennent le pas sur lui. L’exemple flagrant est Mautes lors de l’affrontement spatial, alors que dans cette situation Palestel pourrait enfin devenir un acteur de premier plan.
Luke finit quand même par se déniaiser au fil de la triologie (même s’il reste une petite bite à côté de Han “Shot first” Solo). Tixu Oty, insipide au début des Guerriers du Silence, j’en aurais presque chialé à la fin si j’étais pas un grand garçon. Palestel, lui, on suit ses aventures comme il les vit : en spectateur, sans participer.
Les autres personnages ne m’ont pas trop emballé non plus, souvent stéréotypés. Je ne vais pas dire où pour éviter de flinguer la surprise, mais on croise un traître qui le porte sur la figure. On le voit arriver avec des sabots XXL, le modèle spécial Bozo le clown pointure 92. Belake, la méchante de service, est très très méchante – il ne lui manque que le rire sardonique à la fin de chaque phrase – et donc forcément gaulée comme une bombe atomique. Message personnel pour les auteurs : une femme peut être méchante ET moche (m’obligez pas à citer des noms). Idem avec Daguenay, le vieux général sévère mais juste, Mautes, le rebelle bourrin mais avec un bon fond, etc.

Au final, un bouquin qui possède d’indéniables qualités objectives (style riche et fluide, inventivité et richesse de l’univers, rythme, action, rebondissements, grand spectacle). Quelques défauts aussi (Vangk et personnages). Dans l’ensemble, Étoiles sans issue est un bon roman de divertissement. Si tu aimes la SF bien fichue, pas dénuée d’intelligence mais pas trop prise de tête, il devrait te plaire.
Perso, une lecture pas inintéressante qui me laisse pourtant insatisfait. J’ai quand même envie de tenter le pari d’un autre bouquin de Genefort, histoire de me faire une idée plus précise de son travail.

4 réflexions sur « Étoiles sans issue – Laurent Genefort »

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *