Critiques express (55) Petit mais costaud (ou pas)

À l’approche des vacances, tout le monde cherche un livre pour l’été. Pas un trop gros, puisqu’il ne sera qu’un prétexte pour pouvoir affirmer à la rentrée “j’ai lu”, alors qu’en vérité la plage horaire accordée au farniente aura été de loin supérieure à celle de la lecture.
J’ai ce qu’il vous faut dans ma besace : du petit bouquin guère épais et pas cher par-dessus le marché. Alors par contre, les titres que j’ai à proposer ne sont pas tous terribles, terribles. On ne peut pas tout avoir…

Nostradamus Les prophéties Mille et une nuits

Les prophéties
Nostradamus

Mille et une nuits

Qu’il y ait encore des gens au XXIe siècle pour croire à la divination et la véracité de ce texte me laisse perplexe. Enfin, je serais perplexe si ça ne faisait pas des lustres que j’avais fini de désespérer de l’humanité et de sa bêtise insondable. Bref…
Or donc, au XVIe siècle, le gars Michel de Nostredame, qui n’avait de toute évidence pas grand-chose à glander de ses journées, se lance dans la rédaction d’une pelletée de quatrains prophétisant des trucs et des machins.
On trouve ses élucubrations dans n’importe quelle librairie et bien malin celui qui parvient à piger quelque chose à son charabia imbitable. Précisons que je parle des éditions en français contemporain. En VO, c’est pire. Normal, Mimi n’avait pas trop intérêt à être compréhensible pour éviter que ses lecteurs pigent qu’il racontait des billevesées. Il a donc fait le choix d’une langue qu’il est seul à parler, mélange de moyen français, de latin et d’occitan. Là-dessus, ajoute un style qu’on qualifiera de “poétique” si on est dans un bon jour. Et vas-y que j’inverse l’ordre des mots (cf. Kaamelott et la licence poétique), que je retourne les phrases dans tous les sens, que je colle du symbole tous les trois mots. Sans déconner, le mec parlerait de ce qu’il a bouffé le midi, on n’y entraverait rien quand même, tant son phrasé est abscons. Pis les prophéties, merci bien, mais il s’est pas mouillé, le bonhomme. Déjà, pas de date ou à peu près, donc bravo la précision de l’expert en art divinatoire. Et pour annoncer que des gens vont mourir, que des catastrophes vont arriver, que des guerres vont éclater… Ben merci du renseignement, captain Obvious. Tu viens de nous décrire le quotidien de l’humanité depuis que le monde est monde.
Le bon côté, c’est que quelle que soit l’interprétation qu’on donne à tel ou tel quatrain, elle est bonne, puisque ça marche avec tout, on peut faire cadrer n’importe quelle annonce délirante à n’importe quel événement qui colle au thème.
Lire Nono n’a in fine aucun intérêt : en version non commentée, on n’a qu’un salmigondis incompréhensible ; quant aux éditions commentées, il n’y en a pas deux à être d’accord sur l’interprétation du moindre mot.

Kamasutra Vatsyayana Librio

Les Kāma Sūtra
Vātsyāyana

Librio

Tout le monde a entendu parler de ce bouquin, à peu près personne ne l’a lu. Faut dire que c’est pas flamboyant, flamboyant, si on se lance là-dedans avec des idées préconçues plein la tête et la culotte.
Bon, déjà, pour la partie boulard en tant que telle, il ne s’agit justement que d’une partie, la plus connue, avec tout un tas de positions, dont la moitié hors de portée du pékin moyen, parce que tout le monde n’a pas un niveau olympique en gymnastique ni suivi la formation contorsionniste à l’école du cirque. Dans cette édition, en plus – ou en moins, pour le coup –, y a pas d’images, donc faut se représenter le truc juste sur la base du texte. Aride et pas évident (surtout quand t’essayes de mettre en pratique en même temps que tu lis, avec le bouquin dans une main, ton ou ta partenaire dans l’autre, tout ça en équilibre sur un pied en chantant lalala).
Donc si vous cherchez un manuel de positions parce que vous en avez marre du missionnaire et de la levrette, tournez-vous (enfin, façon de parler) vers une autre édition, de préférence illustrée.
Le reste du texte s’attache aux choses de l’amour, à la conquête amoureuse, aux rapports sexuels comme une façon de toucher au divin, donne des conseils de séduction, aborde la bonne marche du couple… À la fois guide pratique et traité philosophique, on le trouvera donc chiant ou intéressant, selon ce qu’on en attend. Pour ma part, connaissant peu la société indienne de l’époque (VIe-VIIe siècle), ça a été une agréable surprise de tomber sur un texte qui trouve que le mariage forcé, c’est nase, qu’être homo ou bi n’est pas un problème et qui dit que les femmes doivent être respectées. C’est pas en Europe qu’on aurait écrit ça (ni dans l’Inde d’après).
Si on a envie de découvrir un pan de la culture indienne de l’époque, bon choix de lecture.

Sleepy Hollow la légende du cavalier sans tête Washington Irving Mille et une nuits

Sleepy Hollow : La légende du Cavalier sans Tête
Washington Irving

Mille et une nuits

Ce récit a donné lieu au film Sleepy Hollow qui s’en éloigne beaucoup. Donc pour le respect du texte zéro, mais les différences ont aussi le mérite de rendre intéressants le visionnage du film et la lecture du bouquin sans que ça fasse doublon.
Or donc voici l’histoire très courte d’Ichabod Crane, prof qui débarque dans un patelin maudit par un chef indien (c’était déjà un poncif à l’époque…) et qui va croiser un cavalier dépourvu de tête, sans qu’on voit trop le lien avec le reste. En effet, le gugusse à cheval est censé être le fantôme d’un mercenaire hessois tué pendant la guerre d’Indépendance américaine, sans le moindre rapport avec des Amérindiens, de près comme de loin.
Enfin bref, petite histoire folklorique vite lue, un des textes les plus connus d’Irving, auteur surcoté à mon sens si c’est ce qu’il a de mieux à proposer. La rivalité amoureuse sur fond de fantôme sorti tout droit de Scooby Doo, y a quand même pas de quoi se pâmer d’admiration. Un petit peu léger…

Topologie du pessimisme Roland Jaccard Zulma

Topologie du pessimisme
Roland Jaccard

Zulma

Opuscule qui traîne dans ma bibliothèque… M’avait fait marrer à l’époque de sa sortie (1997). J’étais jeune, con dans les mêmes proportions, en crise d’adolescence tardive, porté sur le nihilisme et l’humour noir…
Aujourd’hui, je suis moins jeune, on peut même dire vieux, toujours aussi friand d’humour noir, pessimiste oui, nihiliste beaucoup moins. Moins con aussi (toutes proportions gardées, hein, on s’emballe pas).
Je relis ce bouquin, enfin je commence et puis je m’arrête, parce que pffff… Aphorismes et bons mots d’un auteur qui s’écoute parler en faisant le malin, content de lui et de ses traits d’esprit. Paraît que Jaccard donne dans l’autodérision, je ne vois qu’autosatisfaction et nombrilisme. Moins un livre qu’un spectacle de stand-up sur papier. Pas si drôle finalement. Et pas de quoi risquer une foulure du cerveau sur le vague côté pseudo-philosophique du machin : c’est creux comme un trou de balle.
Internet n’en était qu’à ses balbutiements à l’époque, on n’avait pas Wikipedia pour en savoir plus sur la bio des auteurs. Dommage. Aujourd’hui, sûr que je n’achèterais pas ce livre. Pas si terrible que ça, plus du tout dans mon état d’esprit, et puis un type qui trouve que Matzneff est “courageux” et a glissé toujours plus à droite pour atterrir entre Zemmour et le FN, merci mais non, on n’a rien à faire ensemble.

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