Cold Prey – La trilogie

La jaquette du navrant Dagmar, l’âme des Vikings mentionnait que les coupables n’en étaient pas à leur coup d’essai. Et c’est vrai. Avant, il y eut la trilogie Cold Prey, qui voit ressortir trois noms aux mêmes postes. Roar Uthaug a réalisé le premier opus, produit le 2, synopsisé le 1 et le 2, avant de jeter l’éponge pour le 3. Thomas Moldestad a scénarisé les deux premiers volumes. Martin Sundland a produit les trois volets coldpreyiens. En outre, Dagmar (Ingrid Bolsø Berdal dans le civil) a joué dans les deux premiers.
Fallait que je vérifie, je me suis tapé les trois. Les films, j’entends, pas le trio réalisateur-scénariste-producteur.
Mais pourquoi ? Il est y pas maso ? Ma curiosité scientifique me perdra…
Je n’ai pas été déçu du voyage…

Affiche film Fritt Vilt Cold Prey

Cold Prey, premier du nom (2006)

Avant de devenir une “proie froide”, le film s’appelle Fritt Vilt. Comme je ne parle pas norvégien, je ne me hasarderai pas à le traduire. Enfin pour ce que j’en sais, fritt, c’est des patates en bâtonnets “libre” ou “en liberté” et vilt désigne les animaux sauvages ou le gibier.
À vous de pondre une traduction, je ramasse les copies dans une heure.

Fritt Vilt, c’est comme Flukt, version slasher au lieu d’un survival.
Il paraît qu’on fait les meilleures soupes dans les vieux pots. Steak Fritt serait-il le pot originel ? le père de tous les pots (au feu) ? Soupe-Niggurath aux mille soupières ?… Sur la base de recettes aussi éculées qu’une actrice porno, le plat servi fleure moins la soupe primordiale que le potage insipide.
Si vous le regardez sur la base d’un jeu à boire, prévoyez de copieuses réserves, assorties des précautions d’usage (abus d’alcool, modération, santé, tout ça tout ça). Histoire de me prémunir contre d’éventuelles poursuites pour incitation à la consommation, on va dire qu’on procède avec de l’eau pour les besoins de la démonstration. Ma chère et tendre ayant dû me traîner jusqu’au lit conjugal après le film, je peux vous dire que l’eau, c’est traître…
Les règles sont simples : deviner. Qui va mourir et dans quel ordre ? Quelle sera la prochaine scène ? la prochaine ligne de dialogue ? Et cetera ad nauseam et vomitum in wateris. Chaque bonne réponse donne droit à un verre d’eau.
J’ai fait un sans-faute. (Sauf au moment de viser les chiottes pour gerber le surplus aqueux, mais c’est un détail.) Cela dit, je n’ai aucun mérite. Le film est archi prévisible même pour un néophyte. Et j’ai déjà vu une telle quantité de slashers, genre archi conventionnel, que bon…

Allez, c’est parti pour une revue détaillée !
Bonne chance !

Générique, un gamin court dans la neige. Signe particulier, il a une tache de vin autour d’un œil. “C’est le tueur, prophétisai-je en me servant un verre d’eau. On peut être sûr que la tache permettra de le reconnaître quand il enlèvera sa cagoule/son masque/sa capuche”. Ce qui me vaut un deuxième verre.
Suivent trois longues minutes de gamin qui cavale dans la poudreuse et des flashes info annonçant que x personnes ont disparu dans la montagne. Très utile, on s’en doutait pas que le coin était dangereux vu le pitch du film et le genre auquel il se rattache.
Il était une fois un groupe de jeunes (verre d’eau). Un peu rebelles (verre d’eau), ils veulent faire du snowboard dans un coin paumé au beau milieu de nulle part (verre d’eau). L’un d’eux se pète une guibole, mais par chance, ils trouvent refuge dans un hôtel abandonné (verre d’eau).
Vous avez compris l’idée générale, on ingurgite sévère d’entrée de jeu.
Niveau réalisme de ce qui nous attend, pour donner une idée, soigner une fracture ouverte ne demande aucune compétence particulière de médecine ou même de secourisme. Un bout de bois, une goutte de colle, et voilà la patte folle rafistolée, à peine plus gênante qu’une légère foulure. En tout cas, ça se passe comme ça chez McColdPrey’s.

Dans la longue litanie des scènes attendues :

  • Le groupe se compose de garçons et de filles. Les couples se prennent le chou (“là, ils vont s’engueuler…” et glou et glou). Le célibataire lorgne sur une nana inaccessible, puisque maquée. Ou, dans le 2, se lorgnent entre eux (“là, il va la draguer”, et hop, cul sec, les amis !). J’ignore d’où vient cette manie de meubler avec des histoires de couple qui n’apportent rien à la narration et échouent chaque fois à épaissir les personnages.
  • Le rythme ne dépareille pas le genre. Il ne se passe à peu près rien pendant la première moitié du film (pas de mort avant quarante minutes) meublée avec du blabla et des interactions sans intérêt entre les personnages du groupe. Note aux réalisateurs : tourner des courts-métrages pourrait s’avérer une meilleure option que le délayage chiant.
  • L’exploration de l’hôtel et ses passages obligés. La lecture du vieux-grimoire-poussiéreux, pas le Necronomicon, juste le livre d’or de l’hôtel. La pièce où a eu lieu un mystérieux incendie. Et plus tard, la découverte de l’antre du tueur, qui traumatise les djeunz deux minutes puis non en fait c’est pas si terribles et ils se détraumatisent illico.
  • Les jump scares à la con. Au lieu du chat qui bondit du placard, on a droit au type qui entre dans une pièce, en ressort terrifié pour de faux, avant de faire “bouh” à l’oreille de sa copine. Affligeant…
    Dans la même veine de vieux ressort à suspense foireux, on voit à un moment une mare de sang couler sous une porte. Oh non, c’est trop horrible ! Sauf que juste avant, on a vu l’éclopé de la guibole batailler pour ouvrir une boîte de conserve. On se doute “à peine” qu’il a renversé de la sauce tomate.
  • Niveau répliques et conséquences associées, pas mieux.
    Le bon vieux “t’inquiète pas, ça va aller”. Un mort dans les deux minutes, sûr et certain.
    “Vaut mieux rester groupé.” Donc y en a un qui va partir en solo dans la seconde qui suit. Bingo.
    “Je sors chercher du secours/la voiture/la cavalerie.” Ma seule erreur du film… J’ai dit, je cite, “lui, il fera pas dix mètres”. Il a eu le temps d’en faire vingt avant que le tueur ne lui tombe dessus. (Un demi-verre d’eau seulement.)
  • Avant la scène de l’affrontement final, les personnages s’obstinent à se promener sans moyens de se protéger alors que les lieux abondent en objets susceptibles de se transformer en armes improvisées. On sait jamais, des fois que ça permettrait de s’en sortir vivant…
  • Par chance, il traîne un fusil et UNE cartouche. Une fois armé, mister Patte Folle, foutu de toute façon, se sacrifiera héroïquement pour que survive la final girl, croisement moderne entre une damoiselle en détresse et une vierge guerrière. Aussi poignant qu’inattendu. Ou pas. La rescapée bute le vilain méchant. Comme d’hab’.

Plus convenu ou plus prévisible, tu meurs. Ou tu finis bourré dans un lit qui joue les montagnes russes.

Et c’est pas le pire, eh non.
Reste le cas du tueur…
On devine d’entrée qu’il s’agit du gamin au générique. Ou à défaut, le gnome pourrait être sa première victime. Mais bon, la tache de vin, ze méga big grosse ficelle pour l’identifier…
Que le croque-mitaine aligne zéro ligne de dialogue, admettons. D’explications à son sujet, n’en cherchez point. On comprend dans le flashback final que le gamin fuyait ses propres parents, semble-t-il bien décidés à se débarrasser de lui sous un monceau de neige. Pourquoi ? Eh bien, parce que… euh… hum…
Laisser travailler l’imagination du spectateur, pourquoi pas. Faut quand même lui fournir un peu de matière pour broder… ou le salaire du scénariste, puisqu’on doit tout faire soi-même.
Le tueur masqué est si mal mis en valeur qu’on n’en a rien à secouer de lui ou de son histoire. On dirait un vieux de Perceval dans Kaamelott : il arrive, il dit rien, c’est hyper mystérieux… en fait, c’est nase (épisode La Poétique). Le degré zéro du charisme…
Un scénariste fainéant et dépourvu de la moindre d’originalité – ce qui semble cadrer dans le cas présent – pouvait trouver matière à développer sans se creuser le citron. Sans être expert en culture scandinave, je vois quand même un parallèle évident. À ma droite, le tueur est une immense baraque ; à ma gauche, les jötnar, c’est-à-dire les géants… surtout que l’histoire se passe dans le Jotunheimen (litt. “le royaume des géants”). La coïncidence me paraît un peu grosse pour être involontaire… mais pas exploitée. Moins évident mais exploitable aussi : salut, je suis un tueur avec une tache de vin autour de l’œil et une grosse pioche pour transpercer les gens / salut, je m’appelle Odin, je suis borgne et j’empale les gens sur ma lance. Y avait matière à un tueur intéressant, avec son truc à lui, ancré dans la culture scandinave. Sauf que… Salut, moi je suis scénariste et je parie que votre assassin, je le fais tenir sur un timbre-poste…
Suffit pas de balancer une grande chape d’inconnu : comme une bonne gnôle – une eau millésimée, je veux dire –, le mystère se distille. L’alchimie n’opère pas avec pour seuls ingrédients une pincée de rien et une poignée de néant. Rien sur quoi bâtir une mythologie comme celle des Jason, Freddy, Michael Myers, Norman Bates…
Rien non plus qui justifie une suite… sauf l’argument pognon.

Cold Prey 2 resurrection

Cold Prey 2 (2008)
On prend les mêmes et on recommence

Le 2, c’est pareil que le 1. D’ailleurs, les morts se passent de la même façon et presque dans le même ordre (je te fracasse la tête avec un manche de pioche/un extincteur ; je te fais péter les cervicales/je te fais péter les cervicales aussi, etc.).
Frites Vite le Retour reprend la narration où son prédécesseur s’était arrêté. Un hôpital remplace l’hôtel. Le reste est un copier/coller du premier. On s’emmerde très vite, vu qu’il faut se retaper une longue exposition avant de voir un macchabée.
Entre deux impressions de déjà-vu, on apprend une paire de vagues infos sur le tueur. Un énième gamin qui torturait les animaux. Le reste relève de l’œuf et de la poule. Était-il de la graine de sociopathe que ses parents ont voulu éradiquer ? Ou les mauvais traitements des parents sont-ils responsables de ses envies de meurtre ? Rien de folichon. Et faut arrêter avec l’archétype du tueur en série à l’enfance difficile. Sans quoi les rues seraient pleines d’assassins.
Seul détail croustillant, à la naissance, le gamin était mort-né et a ressuscité au bout de quatre heures. Et ?… C’est tout. Mis à part qu’après quatre heures de mort cérébrale, on verrait au mieux émerger un légume voire un potager, peut-on parler de mort-vivant ? Non, vu l’absence d’élément surnaturel. Sans tous les sens du terme, il n’y a rien de fantastique dans Fritt vilt 2. Ou alors le scénariste cherche à nous faire comprendre que c’est pas un type normal ? On l’aurait jamais deviné à le voir déboîter la tête des gens ou s’obstiner à les pourfendre à coups de pioche. Sauf s’il s’agit d’activités normales en Norvège, mais ça se saurait.

Cold Prey 3 Le commencement

Cold Prey 3 The Beginning (2010)
On change tout et on recommence pareil

Des deux premiers opus, seul le tueur revient. Réal, scénariste, casting, tout le monde dégage. Ingrid Bolsø Berdal est remplacée par son clone Ida Marie Bakkerud. Pour suivre l’effet de mode, le troisième volet est une préquelle. Je suppose que, si quatrième il y a, on assistera à un remake. Puis un reboot en guise de numéro cinq. En fait, avec UNE idée, on peut ressortir le même film à l’infini. Du plagiat légal en quelque sorte.

Que dire ? Rien ou presque. La genèse du tueur, qui aurait dû constituer le cœur du propos, s’expédie en un petit quart d’heure à coups de taloches dans la gueule remboursées sous la forme d’un parricide. Rien qu’on ne sache déjà via les deux volets précédents. Vous l’avez deviné, l’argument préquellatoire se révèle bidon pour accoucher d’un banal cartonnage de jeunes à rebrousse-temps. Le reste sombre dans les pires errances du slasher à l’américaine. Ados débiles… incohérences délirantes comme le petit jeune qui part en camping avec un fusil d’assaut… poursuites nocturnes dans les bois… meurtres à l’unité alors que le tueur, invincible comme il se doit, pourrait tous les buter sans forcer, en chantant Ja, vi elsker dette landet à l’envers, les yeux fermés, en équilibre sur une guibole et les mains attachées dans le dos…
C’est de la merde.

Publié le Catégories Chroniques ciné

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