Vingt mille lieues sous les mers
Jules Verne
Éditions Famot
Je l’avais lu tout gamin et ça m’avait plutôt bien plu.
J’ai remis le nez dedans maintenant que je suis plus ou moins adulte…
Oh, la vache ! C’est long mais long… Et barbant !
En résumé, Vingt mille bornes dans l’ennui, c’est l’histoire de deux extrémistes qui bavardent en regardant les poissons avec des yeux de merlan frit.
Verne a la plupart de ses bouquins étiquetés en “littérature jeunesse” et “littérature populaire”, ben c’est pas l’impression que donne Vingt mille lieues sous les mers. Tout le versant scientifique de l’œuvre est au contraire très élitiste, en plus de redéfinir la notion de soporifique. J’entends bien que le roman a été rédigé avant la mise en place de l’instruction obligatoire et l’invention de Wikipedia, et que par conséquent, un paquet d’informations ne sont pas connues du grand public et demandent à être explicitées, mais là quand même ça fait beaucoup. Rien n’est épargné au lecteur en termes de description du moindre corail et de la moindre poiscaille. Interminable.
Niveau ennuyeux, Verne repousse ici toutes les limites. Parce qu’il faut bien avouer qu’on s’en fout, de ce blabla scientifique. On vient là pour lire un roman d’aventures pas un foutu traité d’océanographie et de biologie sous-marine. Alors la poissonologie à outrance, ça va bien, merci (et je sais qu’on dit ichtyologie, ça ira aussi, merci).
Partant, l’aventure en tant que telle ne sera qu’épisodique, avec un rythme plus haché que le steak du même nom (sans lien de parenté avec les colosses égyptiens). En dépit de quelques scènes marquantes (le calmar géant) et d’idées avant-gardistes dans le domaine de l’anticipation (submersible, électricité, scaphandres), on s’ennuie. À ce degré, on peut même dire qu’on s’emmerde bien comme il faut.
D’autant qu’entre deux descriptions dont on ne voit ni le bout ni l’intérêt viennent se glisser les joutes verbales pas plus palpitantes entre les protagonistes majeurs : le professeur Arronax et le capitaine Nemo. Des échanges qui n’iront nulle part, ce qui fait qu’on se demande si ça valait le coup de nous les infliger. Ils auraient pu être intéressants, ils se contenteront d’être verbeux. En vérité, il s’agit moins d’échanges que d’exposés contradictoires conçus pour le rester sans enrichissement mutuel de la pensée de ceux qui les expriment. En clair, on se retrouve avec deux mecs sûrs d’avoir raison, bouchés à l’émeri, campés sur leurs positions du début à la fin et même après. De longues et bavardes impasses.
La faute en revient à l’écriture des personnages. Arronax est une figure de savant comme il en pullule dans les trois quarts des romans de Verne, affublé d’un faire-valoir qui a lui aussi des airs de déjà-vu. Il ne jure que par la science über alles avec un fanatisme qui fout les jetons. Nemo, quant à lui, est trop mystérieux pour qu’on puisse s’attacher à lui. À la fin du roman, en mettant bout à bout toutes les infos à son sujet, on doit pouvoir lui rédiger une biographie qui tient en deux lignes. Un peu court, jeune homme, comme dirait l’autre. Faudra lire L’île mystérieuse pour en apprendre davantage. Et je suis pas sûr qu’on en sorte gagnant. Au fond (des eaux), tout ce tralala n’est jamais qu’une histoire de vengeance. Ouais, le mec a le sens de la mesure, il se venge au sous-marin. Même John Wick passerait pour un père tranquille en comparaison, alors qu’il est du genre à buter cinquante Russes parce qu’on lui a volé sa caisse et buté son chien. Pire, Nemo est misanthrope au dernier degré et tout ce qu’il raconte relève du pur discours de haine. Et ses actes sont à l’avenant. Il coule des bateaux motivé par une vengeance aveugle, déglingue des gens qui n’ont rien demandé, qui ne lui ont rien fait, et faudrait trouver charismatique ce capitaine qui a tout du terroriste et rien du héros. Sans moi.