Histoire raisonnée de la fellation – Thierry Leguay

Histoire raisonnée de la fellation
La fabuleuse histoire de la fellation
Thierry Leguay
Le Cercle

Après la liste de cadeaux et Cinquante nuances de Grey en guise de mise en bouche, une chronique bonus pour la Saint-Valentin. Tu ne pourras pas dire que je ne te gâte pas !
Pile dans la thématique de la journée, l’Histoire raisonnée de la fellation de Thierry Leguay, ouvrage paru en 1999 aux éditions Le Cercle. Ça ne s’invente pas ! À quand l’Histoire raisonnée de la sodomie du même auteur chez le même éditeur ? Avec des noms pareils, ce serait dommage de se priver.
À noter que l’ouvrage est ressorti chez La Musardine en 2014, avec promotion (canapé ?) de l’Histoire qui grimpe de raisonnée à fabuleuse. On n’a pas peur de l’escalade, La fabuleuse histoire de la fellation, rien que ça. Prochaine réédition, ce sera quoi ? Histoire secrète ? mystérieuse ? stupéfiante et formidable ? supercalifragilisticexpialidocious ?

Couverture Histoire de la fellation Thierry Leguay double dong
Accessoires vendus séparément. (Merci, miss Y., accessoiriste du blog.)

Comme je le disais tantôt, ce livre, que je possède depuis belle lu(r)ette, a un temps figuré sur la bannière d’Un K à part, dans le fond, discret mais présent. L’eau a coulé sous les ponts, la semence itou dans les gorges. Au gré des achats, ajouts, rangements et décalages, il a atterri au premier rang. Juste à côté de Lady Chatterley de Lawrence. Dans le ton.

Histoire cachée de la fellation

Bernard Pivot regrettait l’absence d’ouvrage sur le sujet, Leguay a donc pris les choses en main et comblé le vide. Le bouquin aurait pu s’intituler Le pivot de la joie pour rendre hommage à Nanard.
En guise de préliminaires avant de s’enfiler le morceau, une préface de Françoise Rey, qui en connaît un rayon sur le sujet de la littérature érotique. Et c’est parti, mon kiki !
Leguay ouvre sur les considérations linguistiques. Normal. Aborder la fellation sans commencer par la langue constituerait un grave manquement au bon goût. Étymologie, variantes lexicales, expressions inventives de San-Antonio, contrepèteries et jeux de langue, on sent tout de suite que le bouquin ne va pas prendre la tête.

Le défaut de la légèreté entraîne quelques faiblesses. Ainsi le passage en revue du sujet dans la littérature, qui voit défiler Rabelais, ce bon Pierre Louÿs, Arsan, Réage ou encore Duras, sans devenir une anthologie interminable, aurait gagné à être étoffé et approfondi. Au-delà de la compilation d’extraits dans le temps long, quid de la place de la turlutte dans la littérature érotique ? Et la littérature étrangère, la presse à imprimer l’a avalée ?
La sociologie, idem. Elle arrive comme un cheveu sur la soupe, comme ça, là, boum. J’entends bien que la légèreté du propos et du sujet n’appelle pas une structure dissertatoire aride et soporifique, mais quand même… Bon, ouvrage fourre-tout qui saute du coq à l’âne, on fera avec.
Donc sociologie, qui là aussi passe très vite sur la question. Des chiffres, des sources de haute volée (20 ans, Elle, Marie-Claire…), quelques extraits d’un rapport américain (dont l’auteur précise en plus qu’il est contestable) et on cherche vainement la fameuse sociologie. Le premier qui répond “dans ton cul” risque d’avoir très mal au sien… Des tableaux de données sans commentaires ou à peu près, ça vaut zéro. À la fin, on n’est pas plus avancé sur qui pratique la pipe, dans quel contexte, comment, pourquoi…
S’ajoutent certaines maladresses comme traiter au sein du même chapitre le cinéma porno et la prostitution, ou balancer en vrac dans les “perversions” – même si l’auteur met des guillemets – Freud, le viol, la pédophilie, les homosexuels et les travestis.

À côté de ça, tu trouves des chapitres beaucoup plus intéressants et développés, comme la fameuse (et fabuleuse) histoire – même si on a eu un avant-goût avec le panorama littéraire diachronique – ou plutôt histoire-géo. Coup double avant et ailleurs, avec des Égyptiens, des Romains, l’incontournable Kamasutra, l’Afrique, tout le monde passe à la casserole jusqu’aux Inuits. Bon chapitre, synthétique, qui a le mérite de brosser large et de n’oublier personne (hormis le nom de la géniale donzelle qui a inventé la fellation, perdu dans les limbes du temps).
On en dira autant du chapitre consacré à la “morale”, qui explore en profondeur les rapports entre sucette et religion chrétienne.

Le guide pratique est plutôt une bonne idée, enfin, l’était à l’époque de la parution, quand Internet se limitait à du 56k dans quelques foyers. Maintenant… Ben maintenant, vérification faite, il n’y a pas tant de tutoriels potables sur le oueb. Je m’attendais à une débauche de démonstrations et à l’arrivée, le puritanisme des plateformes (YouTube pour ne pas citer la principale) donne des résultats assez nasebroques. Genre une nana qui t’explique comment faire, juste en parlant. Rien dans les mains, rien dans la bouche, un exposé oral et point barre.
‘Fin bon, à défaut de tuto potable, je ne pense pas qu’il soit trop difficile de trouver une vidéo de turlutte sur Internet pour se faire une idée. Et, parce que rien ne vaut la pratique, ça ne devrait pas être trop difficile non plus de dégoter un volontaire pour se faire la main.
Pour en revenir au bouquin, le guide technique était un passage obligé dans la rédaction, mais en situation, je doute qu’avoir lu un mode d’emploi avant soit d’une grande utilité. J’ajoute pour les néophytes qu’il est assez malvenu de sortir ses fiches de notes et de les consulter pendant l’acte, ça coupe un peu le bonhomme (mais bon, s’il n’est pas trop con, il ne vous en tiendra pas raideur rigueur).

Ceci n'est pas une pipe ni une fellation

L’histoire raisonnée/fabuleuse de la fellation fait le tour de son sujet, avec ses hauts et ses bas. Pour les qualités, une prose détendue du gland et facile à avaler, ainsi qu’un balayage de toutes les facettes du sujet. Défaut de cette qualité touche-à-tout, l’ouvrage manque parfois de profondeur. Enfin, même si pipe et bordel font bon ménage, l’agencement des chapitres manque de structure.
Un bouquin bourré d’infos, intéressant dans l’esprit, qui laisse un arrière-goût de frustration quand on le referme. On qualifiera donc cette curiosité de “sympa”, “honnête”, “correcte” et autres qualificatifs d’entre-deux.

3 réflexions sur « Histoire raisonnée de la fellation – Thierry Leguay »

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