Noël d’auteur : Ludovic Bertin

Avant-dernière chronique du Noël des auteurs, confiée aux bons soins de Ludovic Bertin, auteur de La lettre de Dunkerque. Je le soupçonne d’avoir choisi un titre unique au lieu du duo autorisé pour m’éviter de glisser qu’il faisait d’une pierre deux coups, Bertin. C’est raté.
Quelque part entre The Voice et citius, altius, fortius, le gars Bertin nous embarque septentrionalissimus.

Couverture La voix Arnaldur Indridason

La Voix, Arnaldur Indridason
(Par Ludovic Bertin)

Le père Noël n’existe plus : il s’est fait dessouder la veille de sa teuf annuelle, en plein taf annuel. Un burn out l’aurait-il conduit au suicide ? La théorie est intéressante, mais on se donne rarement la mort en se plantant un coup de surin en plein cœur, même histoire de respecter le code couleur du déguisement. Et puis des suicidés qu’on récupère le pantalon aux chevilles et une capote autour de la bûchette, ça ne court pas les rues, même en Islande. Le défunt papa Noyel a été retrouvé dans un cagibi du palace où il travaillait, et l’affaire va mettre tout le landernø hôtelier en effervescence. A commencer par l’enquêteur (ne bougez pas, son nom arrive), qui va décider de loger sur place, tant qu’à faire. Le macchab, employé de l’hôtel où il est à la fois portier et homme à tout faire, fut naguère un enfant star. Mais sa carrière a explosé en pleine ascension, comme un vulgaire Boeing de chez Malaysia Airlines, dès lors que sa voix a commencé à muer. D’où le titre du bouquin, en effet. Existerait-il un lien entre le passé atypique de cet homme et ce décès qui ne l’est pas moins ? Lisez et vous saurez.

Grand prix de littérature policière en 2007, cette Voix du Nord est la cinquième aventure du commissaire Erlendur Sveinsson. A partir de là, deux hypothèses sont à envisager : soit vous êtes familier des romans d’Arnaldur Indridason, et vous venez de lire le patronyme du flicard avec la même facilité que s’il s’était appelé Jean Dupont, soit vous vous êtes fendu d’un “à vos souhaits” après lecture de la phrase précédente (mais si, on la fait tous, celle-là…). C’est comme ça chez Indridason : à l’instar de l’auteur, les personnages ont tous un prénom digne du Seigneur des Anneaux et un nom d’avant-centre scandinave. Faut s’y faire, sauf que des fois on ne s’y fait pas et qu’on s’emberlificote les neurones à ne plus savoir qui est qui. L’auteur n’y est pour rien, hein[1], mais ça fait partie des arguments de ceux que la “vague du polar nordique” a laissés sur la plage.

Parce qu’en dehors des noms à coucher dehors avec trois anoraks sur les endosses, on trouve quoi finalement dans un “polar nordique” ? Ils ont apporté quoi au genre, les Mankell, Fjellse, Larsson, Läckberg, Nesbø, et compagnie[2] ? Un tissu social proche du nôtre, me dit-on à gauche. Check, vous trouverez ça dans La Voix, touristes allemands en short polaire à l’appui. Une esthétique plus sobre que celle des blockbusters amerloques, me suggère-t-on à droite, plus attentive à l’intimité des personnages ? Check itou, les relations de Sveinsson et de sa fille en témoignent. Des intrigues au rythme indolent, sans violence à tous les coins de page ? Check encore. Une vocation à la critique sociale ? Re-check.

Vous l’avez compris, si vous voulez vous faire une idée de ce qu’est un “polar nordique”, La Voix est une bonne voie ; si vous n’avez pas aimé ceux que vous avez lus, fuyez tant qu’il est encore temps, et si le genre vous botte, vous allez vous régaler.

[1] “Comment peut-on être Islandais ?” (Montesquieu, Les Lettres persanes)
[2] Cherchez l’intrus : l’un de ces noms ne correspond pas à un auteur mais à une structure de lit de chez Ikea.

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