Le Territoire des Ombres (2)

Le Territoire des Ombres : Le Monde Interdit

Jaquette Le Territoire des Ombres Le monde interdit

L’opus s’annonce très cthulhien d’après la jaquette.
Après un premier film décevant, va-t-on enfin avoir des réponses ? Le foutoir initial laisse peu de place au doute : quand le volume 1 ne ressemble à rien, faut pas s’attendre à ce que le second relève du génie. Sans illusions donc, mais avec quelques attentes tout de même. Cthulhu en tête d’affiche, forcément, ça fait rêver…

Cthulhu Valdemar

Où en est-on quand démarre le film ?
Luisa Llorente, experte en immobilier, a disparu, recueillie puis séquestrée par deux gus dont le nom m’échappe. On les imagine sans peine en sbires à la solde d’une huile qui tire les ficelles autour de la baraque Valdemar.
Partent à sa recherche pas moins de quatre personnes ! Un premier duo composé de Nicolás Tremel, détective privé, et Nora Cerviá, présidente de la Fondation Valdemar (que j’appellerai Mireille en raison de sa coupe Playmobil). Deuxième binôme, le patron de Luisa Llorente et sa femme-assistante-secrétaire, même si aucune raison logique ne justifie qu’ils participent aux recherches. Tout ce petit monde est envoyé sur les ordres de Maximilien Colvin, le super big boss de l’agence immobilière.

Ayant longtemps œuvré comme MJ sur L’Appel de Cthulhu, voilà comment je voyais les choses avant d’attaquer le deuxième épisode.
Maximilien est le boss, le grand manitou, le gros bonnet, la vedette, le singe, le cerveau, en un mot le chef d’une secte d’adorateurs de bestioles innommables. Pourquoi ? Dans les genres fantastique, horreur ou épouvante, les vieux sont toujours suspects (n’est-ce pas Perceval ?), surtout quand ils ont une canne au pommeau pas banal. Pas une tête de mort pour une fois, merci de nous avoir épargné ce poncif. Je l’avais pris pour un crâne de piaf mais en fait non, c’est la tronche de Cthulhu. Top discrétion… Je vois bien Nora bosser sous ses ordres comme éminence grise ou super agent de terrain. La Fondation Valdemar qu’elle préside serait la façade officielle des adorateurs. Les deux clowns seraient de vagues nervis à sa botte, chargés de surveiller le manoir et faire disparaître les intrus. Hypothèse étayée par le fait que l’un d’eux soit moustachu, pilosité qui le désigne immanquablement comme un homme de main. Son collègue, lui, relève de l’archétype du type bizarre qu’on croise sur la route qui mène à la cahutte abandonnée au fond des bois. D’habitude, le scénariste colle un gérant de station service revêche, là il a mis un jardinier qui avoue parler à ses vaches comme si c’était la chose la plus naturelle du monde.
Cela dit, le fait de rameuter tout le monde pour retrouver Luisa défie le bon sens s’ils veulent garder secrètes leurs petites affaires. Autant je comprends la présence du détective qui permet de ne pas impliquer la police, mais les autres ? À moins d’avoir besoin d’urgence de victimes sacrificielles, parce qu’il va bientôt y avoir une éclipse, une configuration stellaire ou autre phénomène astronomique idéal pour invoquer un Grand Ancien.
Voilà LA trame classique d’un scénar de L’Appel de Cthulhu, trame qu’on retrouve dans moult récits fantastiques et encore plus moult films d’épouvante. C’est dire si j’aborde ce second volet en m’attendant à peu de surprises.

Le Grand Méchant et sa canne Cthulhu.
Tout en subtilité pour ne pas le désigner comme le Grand Méchant.

Le téléfilm s’ouvre sur un non-générique rappelant les (rares) événements du premier volet. Preuve qu’il pouvait tenir en cinq minutes au lieu de cent. On se croirait dans une série TV… Previously on Criminal Minds
On démarre très fort dès la première scène ! Le couple de l’immobilier roule sur départementale paumée et réussit à croiser Luisa, la nana qu’ils recherchent ! Recontre qui tourne court puisque la donzelle s’enfuit, pourchassée par un de ses ravisseurs affublé d’un masque à gaz (?). Il fait nuit, j’aurais plutôt enfilé des lunettes de vision nocturne, mais bon. De toute façon, on y voit comme en plein jour, à croire que trois ou quatre lunes brillent dans le ciel. Digne d’une intro d’Esprits Criminels.
Un tueur masqué ? C’est vrai qu’on n’avait pas eu droit à une référence au slasher… Son fusil tire des fléchettes tranquilisantes mais est tout de même équipé d’un silencieux. Déjà, un silencieux la nuit en pleine cambrousse dans un coin désert, j’appelle ça du luxe. Mais surtout, un fusil hypodermique est une arme à air comprimé qui ne fait par définition pas de bruit.
Luisa parvient à s’échapper grâce à une chute ridicule, mais le sniper ne repart pas broucouille puisqu’il emmène le couple de sauveteurs… ce qui faisait de toute façon partie du plan. C’est bien pratique, les coïncidences…
Par chance, Luisa est recueillie par une bohémienne adepte des promenades nocturnes au milieu de nulle part. Encore une sacrée coïncidence qu’elle soit tombée pile dessus… Comment vous décrire cette bohémienne ? Un pur concentré de clichés comme on n’en avait plus vus depuis la propagande du IIIe Reich. Elle habite dans une roulotte. Pas une caravane, non, non, une roulotte en bois posée dans une clairière où vit un loup. Elle s’habille comme madame Irma et bien sûr fera son numéro de tirage des tarots. Juste après l’infusion d’herbes dans la pure tradition des rebouteux. Ne manquent que les vols de poules…

Sans transition, on retrouve Mireille Mathieu et le détective dans leur inénarrable train à vapeur pour une nouvelle séance flashback.
De 1874, nous voilà catapultés dans les Années Folles ! Valdemar devrait afficher dans les 85 ans au compteur, mais il n’a pas pris une ride alors que son fidèle majordome accuse un sacré coup de vieux. Comme je disais plus haut, il aurait mieux valu démarrer l’histoire en 1900, la cohérence prendrait moins de plomb dans l’aile… Admettons qu’il ne vieillisse pas grâce à la magie, hypothèse qui se tiendrait dans un récit fantastique. Mais personne ne remarque qu’il a 35 ans depuis un demi-siècle ?…
Valdemar, désormais pété de tunes (c’est magique aussi), claque sa fortune en bouquins d’ésotérisme, dont le fameux Necronomicon. Ce qui lui vaut de rencontrer rien moins que Lovecraft en personne… apparition ridiculisée par le tour de télékinésie auquel il se livre.

Lovecraft chez les Valdemar

Cette première demie-heure est un joyeux foutoir. On passe de Luisa au binôme du train, puis direction les années 20, retour au train, on repart sur Luisa et sa bohémienne, puis Luisa raconte son évasion et hop son petit flashback rien qu’à elle. On passe son temps à sauter d’un château l’autre d’un personnage l’autre, d’un récit l’autre, d’une époque l’autre. Zéro transition, juste mis bout à bout. Encore plus bordélique que le premier.

L’évasion de Luisa mérite qu’on s’y arrête. Elle tape la discute avec le jardinier qui lui parle de 180 personnes qui sont passées dans le coin. Pas besoin d’être grand clerc pour deviner qu’elles ont disparu corps et âme, surtout quand on voit ça :

Valdemar Criminal Minds Esprits Criminels
Previously on Criminal Minds
Valdemar feat. Marc Dutroux

Il s’agit d’avis de recherche pour des personnes disparues, c’est marqué dessus. Mais non, Luisa ne tilte pas. Elle ne fait pas non plus de lien avec la goule qu’elle a croisée la veille. D’ailleurs, elle n’en reparle pas comme si la scène n’avait jamais eu lieu. L’événement anodin, pas traumatisant, dont tu te remets du jour au lendemain…
Sans déconner, 180 personnes disparaissent dans le même coin et on n’a pas croisé un flic depuis le début du premier film.

Valdemar carte au trésor
180 disparus, 1 croix. Encore 2982 ans de recherche et le relevé sera complet.

Le jardinier poursuit ses élucubrations tout en entendant des voix (un bruissement sonore épouvantable en arrière-plan). Il sait ce qui est arrivé à tout ce petit monde et s’en tamponne. Il fait comprendre à demi-mot, voire aux trois quarts, que si on n’a pas retrouvé de corps, c’est parce qu’ils ont été bouffés.
« Que leur est-il arrivé ?
– Vous m’avez l’air pas bête (sic), je vous laisse imaginer.
– S’il leur était arrivé quelque chose, ils auraient trouvé des restes. On ne peut pas faire disparaître des cadavres comme ça.
– C’est pas compliqué, vous avez bien mangé les restes du poulet hier ? (Ricanements.) Du poulet soi-disant. »
Regard interloqué de Luisa qui n’arrive pas à la conclusion évidente. C’est même pas sous-entendu, c’est explicite !
On citera encore “pendant l’initiation, ils m’en ont fait mangé, vous ne pouvez pas imaginer ce que ça fait quand on y goûte la première fois” (ce qui confirme mon hypothèse initiale d’une secte soit dit en passant). Réponse de Luisa : “je ne comprends rien de ce que vous dites”. Mais bordel, il est en train de t’expliquer qu’IL MANGE DES GENS !
Nan, mais là, j’abandonne, elle est vraiment trop conne, cette nana…
Encore mieux, on apprendra par la suite que c’est pas 180 mais plus de 600 personnes qui ont disparu dans le coin ! Mais pas un flic qui râtisse le secteur. Et la baraque est construite sur un réseau de souterrains, catacombes et grottes gigantesques dans lesquels on pourrait occulter des régiments entiers, donc faire disparaître des cadavres dans ces conditions, si si c’est facile. Il ne sera plus question par la suite du versant cannibale de la secte, j’avoue que le motif de cette révélation m’échappe alors que l’appétit de la goule suffisait comme justification.
Je passe sur les clichés de Maskàgaz et Jardinier, le couple d’esprits criminels et leur relation dominant-dominé. Comme d’habitude, le Grand Méchant du film, doté d’une intelligence soi-disant supérieure, s’est entouré des pires débiles…
Jardinier le psychotique se tape des crises où il entend des voix et parle avec des mannequins en plastique comme s’il s’agissait de vraies personnes. ATTENTION, DÉTAIL IMPORTANT, nous martèle la subtile réalisation. Le jardinier constitue le maillon faible du duo et comme il aime bien Luisa, il l’aide à s’enfuir. Original…

Fin du flashback de Luisa et retour à la roulotte… où débarquent Mireille Mathieu et le détective. Y a rien à 8 bornes à la ronde, on nous l’a annoncé quelques minutes auparavant, mais ils tombent pile à cet endroit après s’être enquillé le trajet 1) de nuit 2) dans les bois 3) avec leurs valises ! Euh… mais… bon…
Luisa assomme le détective d’un coup de poêle à frire. Gag !… Mireille révèle son vrai visage, celui d’une traîtresse de mèche avec les deux arsouilles ! On ne le voyait pas venir du tout depuis le début… Le coup du mouchoir imbibé de chloroforme, qu’elle sort de son sac à main. Je croyais qu’il s’agissait d’un produit hautement volatil, faut croire que non. Ne me demandez pas pourquoi la bohémienne qui se trouve dans sa roulotte deux mètres derrière n’intervient pas. Y avait sans doute qu’une seule poêle.
Hop, voilà tout le monde capturé. Mine de rien, la moitié du film est déjà écoulée sur la base de beaucoup de vent et d’agitation pour pas grand-chose.

Les prisonniers se réveillent dans une cellule… dans laquelle ils trouvent un taser. Un peu comme l’Agence Tous Risques toujours enfermée dans un hangar regorgeant de matos pour bidouiller un Panzer. No comment. Luisa tente d’expliquer ce qu’elle a vu le jour de son arrivée – c’est vrai que croiser une goule mériterait un topo –, mais son boss lui coupe la parole et elle n’insiste pas. No comment. À quatre cerveaux, ils parviennent quand même à la conclusion qu’il existe un lien entre eux. Pas cliché pour deux sous. No comment.
Cette scène affligeante est à pleurer de rire… J’ai dû repasser trois fois l’explication du lien entre les protagonistes tellement elle relève du n’importe quoi.

Débarque ensuite une tripotée de bagnoles noires. On s’attendrait presque à en voir sortir une horde d’agents du FBI.
Qui en descend ? Valdemar himself ! Rien de surprenant, un type lui ressemblant comme un jumeau traînait un peu plus tôt sur le quai de la gare, dissimulé derrière des lunettes de soleil. Le camouflage ultime. Et pas du tout louche en pleine nuit.

Valdemar Esprits Criminels
L’agent Hotchner et son équipe de profilers débarquent sur une scène de crime. Ou pas.

Puis le jardinier revient faire évader les prisonniers. Une manie chez lui, l’évasion, très ballot pour un geôlier… De la pseudo péripétie à deux balles entrecoupée d’engueulades des personnages pour meubler la pellicule. Le groupe traverse les souterrains de la maison… balisés et pleins de graffiti. Puis une cour, puis d’autres souterrains, puis des grottes.
En cours de route, la compagnie récupère un bébé… en plastique. On nous le présente comme vrai et bidon à la fois, ce qui doit aux délires psychotiques du jardinier précédemment annoncés. Mais alors que chacun l’engueule pour un oui pour un non, personne ne moufte sur le détour superflu pour choper une poupée. Et quand le jardinier confie le “bébé” à quelqu’un, aucune remarque sur son poids ultra léger, son absence de squelette, sa peau en plastique ou son étrange silence. Comment ils font pour confondre une poupée mi-chiffon mi-cellulose et un vrai bébé ???

Détail qui tue
Détail qui tue.
Bébé en plastique
Le bébé en plastoc…

À partir de là, le film se réveille enfin et, déjà bien engagé dans l’incohérent, tourne au festival de nawak hilarant.
Parmi la kyrielle de galeries, le chemin choisi passe par le territoire de la goule. Pas de bol… Une course-poursuite s’engage. Parmi les classiques : le franchissement d’une arche de pierre qui s’effondre juste après le passage des fuyards… “je crois qu’il n’est plus là” et hop, la goule surgit pour attraper l’auteur de la réplique fatale… la chute de la goule et de sa victime dans un précipice… les piles de la lampe torche qui tombent à plat… l’ossuaire composé de vingt crânes pour une cage thoracique et trois fémurs – un cimetière de têtes pensantes sans doute.

Nyctalopie
Dans une grotte sous terre la nuit, on y voit pareil avec une torche (en haut) ou sans (en bas).

Les pieds nickelés finissent par se jeter dans la gueule du loup en tombant pile dans les bras des sectateurs… en robes noires à capuche, cela va de soi. Oh, tiens, Maximilien, quelle surprise ! N’en jetez plus, par pitié !

Les Village People version Cthulhu.
Les Village People version Cthulhu.

Le détective déduit qu’il est question d’invoquer Cthulhu, parce que Maximilien a tenté de voler 661 millions d’euros qui en fait représentent des êtres humains et qu’en additionnant leur groupe de quatre et le premier agent immobilier à ce chiffre, on obtient 666. Sherlock Holmes peut dormir tranquille, ce genre de déduction improbable ne remet pas son titre en jeu.
Sur la même base, ma calculette affiche 661000005 par contre. De mémoire, 666 n’a rien à foutre dans le mythe de Cthulhu. Et puis, la pensée réflexe liée à 666, c’est Satan, pas Cthulhu.
Enfin tant mieux, parce que jusque-là, à part 10 minutes sur HPL et le Necronomicon, on n’a pas vu grand-chose de très lovecraftien.
De toute façon, l’objectif du sacrifice ne paraît pas clair. Selon les explications des uns et des autres, il est question au choix de :
– Invoquer Cthulhu.
– Refermer la faille… qu’on n’a pas revue jusqu’ici…
– Bannir le démon-dévorateur-goule-incube… qu’ils sont allés récupérer au fin fond du précipice (où je l’aurais laissé croupir si le but était de s’en débarrasser) et qui peut être contrôlé par magie et entravé comme un forçat. Vu qu’on est dans une caverne loin sous la surface, personne n’a l’idée géniale de l’enchaîner tel Prométhée et lui coller 12000 tonnes de roche sur la tronche d’un bon coup de dynamite.
– Rendre hommage aux Grands Anciens pour leur permettre de “s’élever vers un nouveau royaume” (?). Sans doute l’Éther que d’aucuns ont sniffé d’abondance.

Cthulhu dans le marc de café
Pendant ce temps, la bohémienne voit Cthulhu dans le marc de café.

Je dois bien avouer qu’après un début étrange et manquant de rythme, je suis surpris “en bien” par ce dernier tiers de film. Attention, c’est mauvais, hein. Mais tordant au second degré. Très très nanar. Poursuite à deux balles, avalanche de clichés, secte kitsch, explications fumeuses, musique pompière…
Le sacrifice s’annonce prometteur avec les sectateurs qui bouffent des “tarentules d’Innsmouth” pour protéger leur esprit de la folie – le scénariste aurait dû en ajouter à son menu. Personne qui scande “Iä, Iä, Cthulhu fhtagn”, pourtant attendu en la circonstance, décevant… Maximilien est tellement défoncé qu’il ne se rend pas compte qu’il poignarde un bébé en plastique. Doit y avoir quinze-vingt personnes présentes, mais pas une ne remarque la supercherie…

Une goule tenue en laisse par des scaphandriers. Normal.
Une goule tenue en laisse par des scaphandriers. Normal.

Les Grands Anciens n’apprécient pas trop la plaisanterie. Le tonnerre gronde, les éclairs illuminent le… euh… sous terre ? un orage ?… En fait, le temple de carton-pâte semble à la fois sous terre et à ciel ouvert. On voit bien les sombres nuées sur certains plans, mais sur d’autres les parois ressemblent à une grotte.

Valdemar cérémonie
Sous terre…
Terre creuse
… ou pas.
Le temple de la Nanardise.
 Le temple de la Nanardise.

Un Cthulhu de synthèse apparaît !
Il sort d’où au fait ? On n’a pas vu de faille. Aux dernières nouvelles, elle s’était ouverte à l’étage de la résidence Valdemar, on l’a bien vu dans le premier film. Y en aurait une deuxième à côté du temple alors ? Admettons, au point où en est…
Or donc un Cthulhu de synthèse apparaît ! Gros bide… Un Cthulhu gris-vert foncé sur fond de nuages noirs-gris foncé, c’est pas le top de la visibilité. Un poil baveux, un peu flou, trop rapide. On voit que dalle alors que le but de cette scène est de le montrer. J’attendais un clou du spectacle en or massif, j’écope d’une punaise rouillée et tordue…

Cthulhu tout flou
Cthuflou. Ton sur ton, une idée à la con.

Par chance, on aura droit à quelques plans plus nets et très sympas. De face, de dos et un superbe profil – je n’ergoterai sur les proportions “réelles” du bestiau qui paraît bien petit ici. Faut bien reconnaître qu’enfin ce film cesse de se foutre de notre gueule et accouche d’un truc potable. Il aura fallu endurer 2h50 de daube pour en arriver là…

Cthulhu chez les Valdemar
Cthulhu face aux Valdemar

Tout n’est pas réussi pour autant. Je le trouve maigrichon sur certains plans voire tassé en largeur. Je l’aurais vu plus carré, surtout avec ses biscoteaux de déménageur. Des épaules tombantes avec des bras pareils… À plus forte raison avec les ailes à supporter derrière.

Cthulhu l'hymne à la joie

De façon logique – la logique de ce film s’entend –, notre pieuvre préférée commence par pulvériser son démon dans une gerbe de sang de synthèse raté. Moi, j’aurais savaté direct le connard qui m’a offert un faux bébé en sacrifice, mais chacun ses priorités. Tout Grand Ancien qu’il soit, Cthulhu n’échappe pas non plus aux clichés : on aura droit à une vue en plongée de son arpion s’abattant sur un des sectateur. Un classique indémodable de la réalisation peu inspirée…
À force de buter des gens, le body count grimpe au seuil requis pour boucler le rituel qui renverra le démon chez lui. Valdemar s’empresse donc d’incanter… Mais pourquoi faire ? Cthulhu vient de le buter, le démon. Pas grave, c’est un sortilège universel qui marche aussi bien avec les petits démonets de rien qu’avec les Grands Anciens. Des paluches géantes (Nyarlathotep ?) surgissent pour attraper Cthulhu et l’entraîner… quelque part. Il va moins faire le malin, le poulpe !

Fumer tue, surtout si vous êtes une pieuvre humanoïde volante.
Fumer tue, surtout si vous êtes une pieuvre humanoïde volante.

Alors accrochez-vous, parce que cette scène dure TROIS MINUTES. Plus de 3 heures de Valdemar pour 3 minutes de Cthulhu. Et rien autour à part la mention d’un “culte ancien”. C’est un peu court, jeune homme. Y avait de quoi développer pourtant. Il manque pas mal d’éléments attendus comme R’lyeh et quelques phrases célèbres (“Ph’nglui mglw’nafh Cthulhu R’lyeh wgah’nagl fhtagn”, “Dans sa demeure de R’lyeh, le défunt Cthulhu attend en rêvant”, “N’est pas mort ce qui à jamais dort et au cours des ères peut mourir même la Mort”). Ben non. Rien. Cthulhu sort du néant et y retourne en deux temps trois minutes. Piteux.
S’ensuit une scène moisie au cours de laquelle Valdemar retrouve sa femme et ils meurent ensemble sur une envolée de violons… Oh, c’est beau, on en verserait presque une larme…
Mais c’est pas fini. Le jardinier bute son complice à la hache. Appelle la police. Qui vient le chercher, récupère le club des abrutis qui n’ont pas été sacrifiés, arrête les sectateurs survivants, découvre le massacre dans les souterrains. Tous ces événements tiennent en deux minutes de film. Subitement efficace, la police.
Le bras droit de Maximilien, gonflé, tente de recruter dans son ordre les ex-victimes sacrificielles, qui l’envoient chier, parce que les conneries, ça va cinq minutes. Tout ça sous le nez d’un flic qui reste sans broncher alors que les protagonistes évoquent société secrète louche, chantage, menaces de mort, participation à des centaines de meurtres aves photos à l’appui, transferts illicites de fonds, destruction d’archives administratives, j’en passe et des meilleures. Puis ils se barrent.

Scène de crime en forêt
Et c’est parti pour 10 bornes de marche en forêt.

Tout ça pour ça. Un film aurait suffi. Un court-métrage si on s’en tient aux seuls éléments lovecraftiens. La structure narrative complète est à refaire, voire à faire tout court. Les digressions mériteraient un élagage impitoyable ou un remplacement par du Lovecraft, pas du drame familial ou du policier de série télé.
Une fois de plus, Lovecraft méritait mieux et sur plus de trois heures de film, son univers occupe une place des plus restreintes. Dans le premier, il se trouve noyé sous la masse de références diverses. Dans le second, il se résume à une secte nanarde en partie occultée par les péripéties souterraines style Goonies et l’aspect film de tueurs en série au rabais. D’autant plus dommage que les rares éléments propres à HPL se situent dans la moyenne haute de la conformité à l’œuvre, chose assez rare pour être soulignée. Un beau gâchis donc.
Zappez le premier film, dénué du moindre intérêt. Le résumé au début du deuxième suffit pour capter les grandes lignes. Et le second volet ne mérite le détour que pour les 3 minutes de présence de Cthulhu. Le reste ne vaut pas tripette sauf si on aime les nanars. À ce titre, le dernier tiers du film, un sacré festival foutraque, fera frétiller les zygomatiques.
Si je devais donner un conseil ? Lisez Lovecraft, ne le regardez pas.

Publié le Catégories Chroniques ciné

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