Le jour de ma mort – Ludovic Bertin

Bertin, je l’ai lu (La Lettre de Dunkerque), interviewé, rencontré et relu avec son dernier roman sorti (Le jour de ma mort, des fois que t’aurais pas bien vu le titre).

Le jour de ma mort
Ludovic Bertin
Ravet-Anceau

Couverture Le jour de ma mort Ludovic Bertin Ravet-Anceau collection Polars en Nord
Qui n’a jamais eu le visage tout bleu ?

Direction Dunkerque avec ce polar régional aussi chouette à lire que relou à chroniquer.
Sur l’histoire, impossible d’ajouter un mot à ce qu’annonce la quatrième sans spoiler tout ou partie des tenants et aboutissants. Merci du cadeau, ça revient à chroniquer Roméo et Juliette sans aborder la love story.

Or donc une maison. Dans la maison, une fuite de gaz pas si accidentelle qu’elle en a l’air. Dans le gaz, un type. Mort. Depuis si longtemps qu’il s’est momifié. Mort naturelle ? suicide ? autre chose ? Va savoir…
D’emblée, les enquêteurs et le lecteur se retrouvent avec une palanquée de questions sur les bras. Qu’on se rassure, pas besoin de culminer à 260 de QI pour suivre. Les faits comme les interrogations sont présentés avec clarté, personne ne sera largué sur le bord de la route entre Dunkerque et Lille.
Poser des questions, c’est bien, y répondre, c’est mieux. De ce côté, pareil, l’auteur prend soin d’apporter les éléments adéquats au moment opportun. Aussi bien en cours de bouquin pour maintenir l’intérêt du lecteur et faire avancer son intrigue qu’à la fin pour résoudre son bousin. Voilà du polar mené avec intelligence et bien ficelé, comme dirait mon homonyme Master “K”.

Au casting, pas de super/anti-héros caricatural mais des personnages campés avec ce qu’il faut de background, une façon de s’exprimer bien à eux, une personnalité. Bref, des protagonistes qui parviennent à être normaux sans avoir l’air communs. J’ai adoré la trouvaille de la “médication” de Desrozeux qui permet de caser un flic qui picole sans tomber dans le cliché basique du flic qui picole. Très bien vu niveau jeu sur les codes du polar.
J’avais eu peur un instant en voyant Bertin s’embarquer dans une scène hors enquête. Il sera question ici et là de la vie sentimentale de Desrozeux, idem son compère Cyran. Tu es prévenu. Là, tu te dis que ça pue le blabla barbant de remplissage, le bric-à-brac narratif où l’auteur se livre à sa propre thérapie de couple. Tu te trompes (en même temps, si tu n’as pas lu le livre, t’aurais du mal à tomber juste). Alors oui, si tu raisonnes avec les séries télé françaises en tête, je comprends tes craintes. Combien de looooooooongues minutes consacrées aux engueulades du commissaire Tsointsoin avec sa bonne femme ?… L’intrigue n’y gagne rien, la construction du personnage pas davantage, le spectateur, lui, perd son temps et sa patience. Pas de ça, Lisette ! Oublie les péripéties conjugales superflues, ces développements ont ici un intérêt essentiel et pas que pour étoffer les personnages. Ils servent l’intrigue pour de vrai, participent à former un tout qui tienne debout. Ils font sens.

Rien à redire sur le cadre qui propose de vadrouiller à Dunkerque, à Lille et en Belgique. Je connais pas mal de coins mis en scène dans Le jour de ma mort, Bertin respecte le contrat. Assez d’éléments empruntés à la vraie vie de l’IRL pour bâtir un décor réaliste et crédible, assez de fiction injectée dans son jeu de construction pour ne pas donner dans le guide Michelin bis. De la couleur locale mais pas trop, de quoi ravir ceux qui se promènent en terra cognita comme ceux qui découvrent ch’Nord. L’ensemble sonne authentique, pour reprendre un adjectif pas du tout galvaudé (mais pour le coup approprié).
En fait, je pourrais copier/coller une demi-douzaine de fois le paragraphe qui précède en changeant juste le thème (intrigue, narration, style…). Brique après brique, Bertin édifie un récit solide avec toute la rigueur d’un maître architecte. Chaque élément s’imbrique (oui, ça fait beaucoup de briques, tant pis si ça te braque) au millimètre. Rien qui dépasse, “au poil de fion” comme on dit en langage technique.
Le jour de ma mort se caractérise par son sens de la mesure. De l’action mais rien de chucknorrissien (Dunkerque est encore debout à la fin du roman), des péripéties mais sans noyer le lecteur sous des tonnes de poursuites, fusillades, explosions, enlèvements en mode 24 heures chrono (Jack Bauer > Colissimo), de la réflexion mais sans baisse de rythme, des coups de théâtre mais rien d’extravagant pour le sens commun.
Bertin, en bon dealer d’histoires, sait te refiler la bonne dose de la meilleure came au bon moment. Une chance qu’il ait choisi de meubler son temps libre comme romancier plutôt que baron de la drogue.

Parodie Le jour de ma mort où j'ai marché sur un Lego Ludovic Bertin par Un K à part

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